« Il n’y a pas de développement sans paix » : Perspectives de l’Est du Congo

« Il n’y a pas de développement sans paix » : Perspectives de l’Est du Congo

Cet article fait partie de la série Pleins feux sur le riple lien de Coopération Canada 

 

Le village de Shasha, un peu à l’ouest de Goma, en République démocratique du Congo, illustre bien l’intégration du travail humanitaire, du développement et de la paix. Les riches sols volcaniques de cette région sont densément peuplés de petit-e-s agriculteur-trice-s qui, ces dernières années, ont été rejoint-e-s par des milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) fuyant les zones de combat. L’arrivée de ces personnes crée un risque de conflit supplémentaire, car elles cherchent des parcelles de terre pour vivre et subvenir aux besoins de leurs familles. Les ONG locales mettent en œuvre des projets de triple lien pour répondre aux besoins humanitaires (assistance alimentaire à court terme), aux besoins de développement (terres pour que les personnes déplacées puissent cultiver des aliments) et pour prévenir les conflits entre les personnes déplacées et les communautés d’accueil. C’est l’un des projets que j’ai visité en janvier 2023, aux côtés de collègues du Mennonite Central Committee (MCC). La programmation de la paix est au cœur du travail du MCC et est parfois incluse dans le travail de la Banque canadienne de grains. 

En RDC, le conflit est très visible et changeant, avec des dizaines de groupes armés impliqués (l’armée congolaise, les groupes armés soutenus par des acteur-trice-s étranger-ère-s, les Congolais-ses qui se sont armés eux-mêmes pour défendre leurs ressources, et maintenant les soldats de la paix d’Afrique de l’Est et de l’ONU) et des rapports quotidiens sur les mouvements de troupes et les attaques dans les zones rurales. Une grande partie du conflit trouve son origine dans la concurrence pour les minerais, certains groupes voulant exploiter les minerais et d’autres protégeant leurs terres. L’Est du Congo est riche en plusieurs minéraux essentiels très demandés par les entreprises de l’économie verte. Il existe quelques mineurs artisanaux locaux, mais la majeure partie de l’industrie minière est gérée par des sociétés étrangères, notamment canadiennes, qui ont un bilan mitigé en ce qui concerne le respect des lois congolaises et la contribution au développement en dehors des mines elles-mêmes. 

Certain-e-s des partenaires que nous avons rencontré-e-s travaillent à la réduction de ces types de conflits armés, en contribuant à la paix au niveau sociétal, ou à ce que l’on appelle souvent la « grande P ». Un partenaire congolais travaille directement avec les groupes armés, encourageant leurs membres à désarmer, tout en aidant ceux qui désarment à trouver des activités de subsistance et des communautés qui les acceptent. 

Tous les partenaires travaillent à la « petite paix » ou à la réduction des conflits interpersonnels. Ces efforts sont souvent intégrés dans des projets ayant des objectifs humanitaires ou de développement, voire les deux. Il peut s’agir de fournir une source d’eau à un jardin communautaire et une deuxième source d’eau à la communauté élargie qui n’est pas membre du groupe de jardinage. Dans certains cas, le travail sur la « petite P » consiste à organiser des ateliers ou des clubs permanents qui aident les gens à gérer les conflits interpersonnels, à se remettre de traumatismes passés ou à acquérir des compétences en matière de médiation. Bien qu’il existe des outils efficaces pour mesurer l’impact de ces activités « petite P » au niveau de la communauté, on ne sait pas exactement dans quelle mesure elles contribuent à la « grande P », la paix, dans l’ensemble de la société. 

Les partenaires que nous avons visité-e-s ont fait part d’un certain nombre de messages communs sur le triple lien. De nombreux partenaires et participant-e-s aux projets nous ont dit qu’ « il n’y a pas de développement sans paix », c’est-à-dire que la paix et le développement sont étroitement liés et qu’il y a des synergies à travailler sur les deux ensemble. Nos partenaires ont toujours travaillé sur le nexus, souvent avec des sources de financement différentes. Lorsqu’on leur a posé la question, ils/elles ont semblé ne pas savoir si le financement devait provenir d’une seule source ou de plusieurs. Ils/elles ont la capacité et l’expérience nécessaires pour proposer des programmes qui répondent aux besoins du moment. Ils/elles ont demandé que les différent-e-s donateur-trice-s reconnaissent cette diversité de programmes et s’efforcent d’harmoniser les exigences en matière de rapports. 

Nous avons également entendu dire que la programmation en faveur de la paix peut être peu coûteuse (par rapport à d’autres types de programmation). Dans de nombreux cas, elle peut être incorporée dans des projets humanitaires ou de développement sans trop de frais supplémentaires, mais elle ajoute une valeur significative au projet en réduisant le risque de conflit qui pourrait compromettre les gains du projet. 

Les partenaires de la MCC que nous avons rencontrés ont accueilli favorablement nos questions et ont été heureux d’apprendre que le Canada (GAC et OSC) s’intéresse de plus près au travail sur les nexus. Il s’agit peut-être d’un nouveau domaine de travail pour nous, mais pas pour eux. Grâce à leur expérience considérable en matière de programmation nexus, ces partenaires peuvent nous aider à apprendre et à améliorer la programmation nexus. 

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EQUITAS promeut la contribution des personnes noires à l’avancement des droits de la personne

EQUITAS promeut la contribution des personnes noires à l’avancement des droits de la personne

Pour le Mois de l’histoire des Noir-e-s, Equitas mettra en lumière cette année le travail de différentes personnes noires ayant contribué à faire avancer le respect des droits de la personne et dont le travail a particulièrement contribué à améliorer le respect des droits des personnes noires, à l’égalité et à l’inclusion dans les communautés canadiennes.

Au cours des prochaines semaines, vous apprendrez à connaitre Darley, Marie, Monique et Destin, quatre personnes courageuses et passionnées par les droits humains.

 

Comment les partenaires de KAIROS réagissent à la pandémie fantôme

Comment les partenaires de KAIROS réagissent à la pandémie fantôme

Par son programme femmes de courage : femmes, paix et sécurité, KAIROS travaille en étroite collaboration avec des partenaires pour en apprendre davantage sur l’impact de la covid-19 sur leurs activités et sur leurs moyens de réagir aux difficultés. En tant qu’instigateurs de la paix dans les conflits prolongés, ces partenaires connaissent bien les crises et, partant, ont façonné des approches résilientes, créatives et courageuses qui servent d’exemples à tous.

En plus de devoir composer avec les mesures et problèmes de santé publique, les partenaires affrontent une « pandémie fantôme » qui désigne l’augmentation substantielle de la violence conjugale ou sexospécifique qui résulte de la pandémie et du confinement. La pandémie a cet effet partout dans le monde, y compris au Canada où l’augmentation du taux de violence conjugale et sexospécifique est estimée à entre 20 et 30 p. 100 dans certaines régions. Toutefois, les pays qui ont répondu à la crise par des moyens militaires ou qui ont adopté un style de gouvernance autocrate et répressif n’ont fait qu’exacerber la violence et la nécessité d’obtenir du soutien psychosocial et juridique pour les femmes de toutes les parties du monde.

En dépit des difficultés posées par la distanciation physique, les partenaires de KAIROS ont répondu à la crise pour appuyer les femmes victimes de violence dans leurs communautés. En Colombie, l’Organisation féminine populaire a mis à profit les médias sociaux pour former des groupes de soutien des femmes en ligne. Cet organisme offre des services psychosociaux en ligne et au téléphone et fournit un soutien indispensable aux femmes victimes de violence conjugale ou sexospécifique. En Cisjordanie, le centre palestinien Wi’am de transformation et de médiation intervient par des mesures de médiation et de transformation en situation de conflit associé à la violence sexospécifique. Ce centre planifie d’embaucher deux psychologues et a mis sur pied une ligne d’écoute accessible en tout temps pour venir au secours des femmes ou d’autres personnes victimes de violence sexospécifique.

Les partenaires de KAIROS ont aussi adapté les ateliers et les formations destinés aux femmes leaders pour qu’elles assurent la lutte à la covid-19 dans leurs collectivités. Ces formations offrent notamment des outils et des ressources pour contrer l’impact psychosocial de la pandémie et l’augmentation de la violence sexospécifique.

La violence conjugale ou sexospécifique était fort répandue bien avant la pandémie de covid-19. Cependant, les mesures de protection mises en place autour du monde pour limiter la propagation du virus de la covid-19 augmentent le risque pour les femmes. Les partenaires de KAIROS ont été aux premières lignes de la riposte dans leurs communautés. Ils se sont assurés que, malgré l’application de mesures de santé publique, les personnes les plus à risque bénéficient du soutien nécessaire pour se protéger et protéger leurs proches de la pandémie fantôme.

Les Héritiers de la Justice en République démocratique du Congo continuent à produire et diffuser l’émission radiophonique locale Tuitete Haki, qui signifie «droits » en swahili. Elle agit comme pivot dans la communication des directives de la santé publique sur la covid-19 et conscientise la population au sujet de la violence sexospécifique. La tribune radiophonique du Conseil ecclésiastique du Soudan du Sud aborde la covid-19, la justice et les genres, la guérison des traumatismes et la paix.

Bien que la covid-19 transforme le monde radicalement, nous ne pouvons perdre de vue les personnes les plus vulnérables de la planète. Les femmes qui aspirent à consolider la paix sont des figures prépondérantes de la riposte féministe. Elles réagissent face à l’impact disproportionné de la crise mondiale sur les populations féminines et font émerger cette pandémie de violence. Nous devons nous en inspirer. Les relations et réseaux solides qu’elles ont formés avec des leaders et des groupes féministes, ainsi que leur expérience du soutien psychosocial et de la guérison des traumatismes, leur permettent d’atteindre les femmes marginalisées et d’assurer que leur point de vue et leurs revendications sont entendus, même en pleine pandémie de covid-19.

Ces femmes nous donnent l’espoir que, lorsque le monde émergera de la crise, il reposera sur des valeurs de bien-être, de santé, de sécurité et de paix pour tous.

Pour en savoir plus au sujet de la réponse des partenaires de Kairos, consultez leur blogue (en anglais) ici.

Sur la photo : Le Conseil ecclésiastique du Soudan du Sud rencontre des femmes et des jeunes pour sensibiliser le public à la violence sexospécifique, à la violence domestique et aux grossesses chez les adolescentes pendant le verrouillage de COVID-19.

Promouvoir, améliorer, inspirer : riposte de WaterAid Canada à la covid-19

Promouvoir, améliorer, inspirer : riposte de WaterAid Canada à la covid-19

On trouve couramment de l’eau et du savon dans les foyers du Canada. Ailleurs, pour bon nombre de personnes, il est normal de ne pas en avoir. Les données indiquent que 40 % des ménages à travers le monde n’ont rien pour se laver les mains. Par conséquent, le lavage des mains n’est pas très répandu, ce qui accroît le risque de propagation des maladies dont la covid-19. Bien que des données récentes montrent que la pandémie n’a pas touché les pays à revenus faibles ou modérés aussi fortement qu’elle a touché les pays riches, cette situation suscite des préoccupations quant à l’effet de la pandémie dans les pays disposant de moins de ressources pour affronter la crise. Les pays à revenus faibles ou modérés ont souvent un accès restreint à l’eau et aux commodités sanitaires et d’hygiène (WASH en anglais). De plus, plusieurs établissements de soins sont mal outillés pour affronter une crise de l’ampleur de la covid-19. Limiter la propagation de la covid-19 dans ces pays et en prévenir les impacts dévastateurs n’a jamais été aussi urgent.

Pour répondre à l’urgent besoin que représente l’accès à l’eau et aux commodités sanitaires et d’hygiène, le Conseil canadien pour la coopération internationale et WaterAid Canada ont mis en commun leur expertise et leurs connaissances. Ils entendent intensifier les efforts de promotion de l’hygiène, améliorer l’accès à l’eau et aux installations et commodités sanitaires puis générer des changements de comportement durables pour contrer la pandémie.

« Faciliter l’accès à l’eau et aux commodités sanitaires et d’hygiène : une intervention que l’on ne peut déplorer »

WaterAid Canada et la pandémie de covid-19

WaterAid Canada a toujours proclamé les bienfaits du lavage des mains dans le cadre de ses programmes d’accès à l’eau et aux commodités sanitaires et d’hygiène. Même si la covid-19 n’a rien changé aux priorités de l’organisme, ses objectifs sur le plan des résultats se sont passablement élargis. Les interventions de WaterAid Canada s’articulent autour de quatre grands objectifs qui reflètent l’urgence de la pandémie :

  1. L’accès à l’eau pour le lavage élémentaire des mains et le nettoyage – fourniture d’articles essentiels comme le savon, le désinfectant pour les mains et des produits désinfectants pour les populations les plus vulnérables.
  2. Le soutien offert aux pourvoyeurs de services – maintien des services et interruptions minimales.
  3. Réduction de la transmission de la covid-19 aux points communs d’accès à l’eau – installation de postes de lavage des mains dans les établissements de santé, les zones densément peuplées et les zones rurales.
  4. les zones rurales.

    Revendications – campagnes adressées aux gouvernements et aux autorités visant la prestation constante, durable et inclusive de services d’hygiène et d’accès à l’eau pendant et après la pandémie.

Fort de ses 37 ans d’expérience et à titre de chef de file mondial dans la promotion de l’hygiène, WaterAid Canada s’efforce de soutenir les gouvernements nationaux et les organismes de la société civile pour promouvoir les comportements qui favorisent l’hygiène pour empêcher la propagation du virus. Les équipes de WaterAid Canada observent les restrictions et aident les partenaires à s’assurer que leur travail ne met personne en danger ou contribue à la propagation du virus. Dans bon nombre de cas, l’organisme a établi des liens avec d’autres organismes du même type pour coordonner leurs interventions conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé dans ce dossier. À l’heure actuelle, des interventions sont en cours en région urbaine et périurbaine. Il est prévu d’atteindre les régions rurales sous peu. L’organisme apporte aussi son concours à la conception de matériel de promotion de l’hygiène qui sera diffusé dans de grandes campagnes médiatiques et, surtout, dans les régions les plus à risque. Le matériel vise à sensibiliser les populations à risque au sujet des recommandations de l’OMS en vue de stopper la propagation du virus de la covid-19.

WaterAid Canada sait que la lutte à un ennemi invisible comme le virus de la covid-19 ne se fait pas du jour au lendemain. Dans un effort pour intensifier ses activités au quotidien en riposte à cette menace, il a mis au point une réponse en deux volets qui inclut l’atténuation de la courbe de propagation du virus par la promotion des mesures d’hygiène ainsi que le soutien des gouvernements et des décideurs clés suivi d’une réévaluation et d’une planification à long terme. WaterAid Canada ne peut arriver seul à promouvoir les comportements qui limitent la propagation de la covid-19. Une pandémie de cette ampleur nécessite l’intervention de tous les agents du secteur en vue d’assurer la prévention, la protection et les mesures curatives. À ce titre, WaterAid a établi une liste de onze contributions que les organismes de promotion de l’accès à l’eau et de mesures d’hygiène peuvent apporter en réponse à la pandémie, ainsi que des choses à faire ou à proscrire.

Fatoumata Sogoba se lave les mains après avoir visité un centre de santé périnatale du Cercle de Bla dans la région de Ségou, au Mali. Avril 2018. WaterAid / Guilhem Alandry

Fatoumata Sogoba se lave les mains après avoir visité un centre de santé périnatale du Cercle de Bla dans la région de Ségou, au Mali. Avril 2018. (WaterAid/ Guilhem Alandry)

Un secteur bien outillé est un secteur dont les actions s’inscrivent dans la durabilité

Il est devenu apparent que l’impact de la covid-19 sera prolongé et profondément ressenti. La réalité à laquelle nous devons nous préparer, et qui attend surtout les personnes plus marginalisées, reste encore inconnue. L’accès sécuritaire à de l’eau potable, à des commodités sanitaires et des mesures d’hygiène appropriées ainsi qu’à des soins de santé élémentaires de base est crucial en temps de pandémie. WaterAid Canada a su mettre à profit son expertise, adapter ses activités et élargir sa portée pour affronter cette crise.

Il faut assurer l’adoption de bonnes pratiques d’hygiène et l’accès à l’eau et aux commodités sanitaires durant la crise mais le secteur doit aussi pouvoir compter sur des solutions à long terme. WaterAid Canada s’efforce de protéger les populations les plus marginalisées des effets immédiats de la crise tout en offrant aux acteurs de son secteur des solutions respectueuses des droits de la personne qui auront des effets prolongés. Tout le monde, partout, devrait disposer des ressources nécessaires pour empêcher les prochaines épidémies et promouvoir la dignité humaine.

*Arianna Abdelnaiem, assistante de recherche au Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI).  

 * Ce blogue est le quatrième d’une nouvelle série produite par le CCCI qui met en lumière le leadership et les capacités d’innovation du secteur du développement international et de l’aide humanitaire face à la pandémie de covid-19. Le CCCI continuera à publier des récits illustrant la solidarité, la résilience et les capacités d’innovation du secteur dans les prochaines semaines. Malgré la distance, nos membres sont plus rapprochés que jamais et combattent l’impact de la pandémie mondiale avec énergie, humilité et grâce.

Sur la photo : Sashi, artisane de la broderie Chikan, se lave les mains avant de cuisiner pour sa famille de Sadamau, en périphérie de Lucknow, dans l’Uttar Pradesh indien. 20 décembre 2019.

Crédit photo : WaterAid / Anindito Mukherjee

Emphase sur la localisation en temps de la covid-19

Emphase sur la localisation en temps de la covid-19

Aujourd’hui dans sa centième année de service, le Comité central mennonite s’est activé dans plus de cinquante pays, en temps de quiétude comme en temps de crise. À maintes reprises, il a pu apprécier la valeur du travail en collaboration avec des partenaires locaux pour élaborer et adapter la programmation de ses activités. Les pratiques exemplaires normalisées et la coordination multilatérale sont essentielles en période de crise mondiale complexe mais elles ne suffisent pas à assurer une réponse efficace.

En ce qui concerne la covid-19, nous devons tous affronter un même microbe qui affecte nos fonctions biologiques communes. Il s’agit bien sûr d’un problème d’ordre médical pour lequel il existe vraisemblablement des solutions médicales. La programmation d’activités nettement standardisées semble être le moyen le plus efficace et concret pour atteindre un grand nombre de personnes.

Malheureusement, notre monde est trop complexe pour que l’on puisse appliquer une approche universelle, même si nous devons tous affronter un seul et même virus. L’une des leçons importantes qu’a tirées le Comité au cours de ce siècle est que les moyens standardisés s’avèrent nuisibles et contreproductifs s’ils ne sont pas contrebalancés par la localisation approfondie des travaux. Lorsqu’on impose des activités sans que le milieu local se les approprie, elles deviennent souvent inefficaces et suscitent de la résistance. Lorsqu’on fait fi des priorités locales, les activités et les ressources des projets sont souvent redirigées et perverties. Lorsque les valeurs et la culture des communautés ne sont pas respectées, celles-ci sont peu enclines à s’investir et encore moins à modifier des comportements bien ancrés.

Pendant que nous nous efforçons, avec nos partenaires de diverses localités du monde, de réagir à la pandémie de covid-19, nous faisons le lien entre le mondial et le local, la pratique et la théorie, les « meilleures pratiques » internationales et la réalité sur le terrain. La réalité est que la covid-19 n’aura pas le même impact partout dans le monde et dans tous les groupes et qu’elle ne suscitera pas partout la même réponse. Des facteurs comme le niveau de revenu, les déplacements, la citoyenneté, l’âge, le genre, l’inclusion sociale et l’accès aux soins de santé qui ont rendu les communautés et les individus vulnérables avant la pandémie continueront de faire subir leur influence durant l’éclosion de la covid-19.

Cela exige de réaliser des projets adaptés et de moindre envergure et le Comité a priorisé ce raisonnement dans son approche à la pandémie. À Mwenezi, au Zimbabwe, la communauté a par exemple demandé que les mesures prises face à la covid-19 lui permettent de mieux se positionner pour se protéger du choléra et des maladies véhiculées par l’eau qui sévissaient avant la pandémie. À Assola et Bambasi, en Éthiopie, les agriculteurs nous ont demandé de travailler avec eux et avec le gouvernement pour mettre au point des stratégies qui protègent aussi les récoltes et sécurisent les gains difficilement acquis au fil des années de travail de la terre par la communauté. À Nikopol, en Ukraine, la priorité locale était de protéger les personnes sans domicile et le personnel qui s’en occupe. À Haïti, certains partenaires limitent de plus en plus leurs interactions directes avec la communauté pour assurer leur sécurité. Certains autres, comme notre partenaire de Bomon qui lutte contre la violence sexuelle ou axée sur les genres, ont dû maintenir et élargir leurs activités devenues plus nécessaires dans un contexte fragilisé par la pandémie.

Des activités pertinentes et efficaces sur le plan financier nécessitent une connaissance approfondie du contexte local, une capacité d’adaptation et une appropriation par la communauté ainsi que l’application des pratiques exemplaires internationales et une saine coordination. Comme d’autres ONG canadiens, nous sommes bien placés pour faire ce lien et faciliter la réalisation de travaux durables, sensibles au contexte et fondés sur des faits partout à travers le monde. En cette période de crise, le secteur ne peut minimiser ce que nous avons appris de l’importance de l’approche locale. Plus que jamais est-elle nécessaire.

 

Photo : Emma Themistoc dirige le regroupementSolidarité Fanm Ayisyèn SOFA, partenaire du Comité mennonite du Canada à Beaumont, Haïti. Les bureaux locaux, qui font office de centre de répit durant le jour, aident les femmes victimes de violence sensible aux genres en les accompagnant tout au long des procédures juridiques et médicales, en leur octroyant du microcrédit et en leur offrant un soutien psychologique et social. Madame Themistoc a joué un rôle majeur dans le maintien et l’intensification de ces mesures pendant la pandémie, malgré les problèmes accrus que pose la covid-19, en soulignant le besoin d’intervenir devant la hausse de la violence axée sur les genres. (Crédit : CMC, Annalee Giesbrecht)

 

* Ce blog est la troisième d’une nouvelle série du CCCI qui présente le leadership et l’innovation du secteur canadien du développement international et de l’aide humanitaire face à la pandémie COVID-19.

Operation Eyesight exploite le plein potentiel de son réseau  pour garder à l’œil la covid-19

Operation Eyesight exploite le plein potentiel de son réseau pour garder à l’œil la covid-19

La covid-19 est une crise sanitaire qui aura un effet dévastateur sur les économies et creusera les inégalités dans le monde. En plus des problèmes qu’elle a engendrés ici, elle met en lumière les besoins frappants des systèmes de santé des pays en développement qui ne disposent pas des moyens nécessaires pour composer avec les répercussions immédiates et en évolution rapide de la pandémie. Des données récentes montrent une hausse du nombre de cas en Amérique latine, en Afrique et en Asie méridionale et laissent présager des poussées subséquentes de pandémie, particulièrement depuis que la Chine connaît une deuxième vague de pandémie marquée par une augmentation des cas de covid-19. Bon nombre des partenaires de la société civile canadienne interviennent dans des pays dont les systèmes de santé sont déficients. Ces partenaires ont les capacités d’agir rapidement et font preuve d’adaptabilité. Les partenaires à l’étranger fonctionnent à capacité réduite en raison de la pandémie, de sorte que les organismes canadiens jouent un rôle indispensable en prévenant la propagation du virus et en atténuant son impact socio-économique sur les communautés et les populations vulnérables.  

 

C’est dans ce contexte que l’un des membres du CCCI, Operation Eyesight, a modifié ses activités, qui normalement portent sur la santé oculaire, pour exploiter le plein potentiel de son réseau d’hôpitaux partenaires partout dans le monde et multiplier les interventions efficaces et prises en charge par les communautés face à la pandémie. 

 

Aplatir la courbe 

Operation Eyesight met à profit les liens qu’il a établis avec les gouvernements et hôpitaux partenaires d’Afrique subsaharienne et d’Asie méridionale pour aider à « aplatir la courbe ». L’organisme, qui compte déjà des équipes postées dans des pays partenaires partout autour du globe, est dans une situation unique pour maintenir son engagement envers la durabilité et favoriser l’autonomie des communautés à plus grande échelle.  Le 13 avril, il a mis en œuvre un train de mesures en riposte à la covid-19 qui rendront plus aptes les ressources locales et augmenteront leur expertise, tout en facilitant la prestation des services pour les bénéficiaires. Au Kenya, le personnel local aide la population par des moyens qui sont adaptés au contexte, donc efficaces. 

Les interventions d’Operation Eyesight sont aussi axées sur les défis accrus que doit surmonter la population féminine à qui sont dévolus les soins à pourvoir dans la plupart des familles. Comme de bonnes pratiques d’hygiène et le lavage des mains sont les premières lignes de défense contre la covid-19, Operation Eyesight continue à axer ses activités sur l’eau potable, la promotion des habitudes d’hygiène sécuritaires et lse nettoyage au moyen de l’accès à des postes de lavage des mains, à du savon et à des nécessaires d’hygiène. La rareté des fournitures médicales est un problème important au Canada, tout comme dans d’autres parties du monde. Operation Eyesight s’assure que des fournitures essentielles telles que du désinfectant, du savon et des médicaments pour traiter les infections oculaires soient accessibles. Le virus de la covid-19 est nouveau et il évolue rapidement. Aussi, de nouvelles recherches sur ses effets et les mesures de prévention paraissent quotidiennement. Le personnel soignant et celui en première ligne doivent donc pouvoir accéder à tout moment à l’information la plus à jour. Operation Eyesight a commencé à sensibiliser le personnel en première ligne au sujet des risques d’infection et à l’informer des mesures de prévention et de contrôle. L’organisme soutient aussi la distribution de matériel éducatif lié à la covid-19 pour continuer à informer le personnel soignant en première ligne et les populations les plus vulnérables.  

 

Des capacités accrues dans les hôpitaux partenaires 

Operation Eyesight collabore avec 55 hôpitaux partenaires dans six pays pour former du personnel de première ligne, du personnel infirmer et des agents de santé dans les communautés au sujet des mesures de prévention et de contrôle de la covid-19 et des risques d’infection.  L’organisme prévoit de rejoindre 600 000 personnes au Kenya, au Ghana, en Éthiopie, en Inde, en Zambie et au Népal par ses activités éducatives et de sensibilisation à la santé dont un volet s’adresse à la population féminine ou atteinte de limitations fonctionnelles. Il veille également à ce que les centres et établissements hospitaliers dispensant des soins oculaires mettent en place des protocoles de stérilisation stricts pour ne pas propager la covid-19. 

 

Appuyer la prévention de la transmission communautaire  

Par la distribution de porte en porte de matériel de santé dans des langues locales ainsi que de nécessaires d’hygiène, Operation Eyesight et ses partenaires travaillent à prévenir la transmission communautaire du virus. En outre, ils prévoient d’installer des postes de lavage des mains aux points d’eau, dans des écoles et des centres de soins oculaires au Kenya, en Éthiopie, au Ghana, en Inde et au Népal. En plus d’aider les familles dans le besoin, ces postes de lavage serviront d’unités de démonstration que les communautés pourront reproduire. En Zambie, l’organisme prévoit de restaurer 60 puits artésiens pour acheminer de l’eau potable en région rurale.  

 

Un agent de santé communautaire distribue du matériel d’hygiène en Inde.

 

Donner les moyens aux communautés de devenir des leaders    

Dans six pays, Operation Eyesight offrira des formations à plus de 1500 agents de santé communautaire qui, en retour, sensibiliseront les communautés en prêtant une attention particulière aux populations féminines et atteintes de limitations fonctionnelles. Dans les villages, les membres de comités sur l’eau, le nettoyage et l’hygiène seront formés à propos des pratiques correctes de lavage des mains et de distanciation sociale pour prévenir la covid-19. Cette approche vise à rendre les communautés plus aptes à lutter d’elles-mêmes contre la pandémie et à empêcher que les hôpitaux et systèmes de santé soient débordés.  

Le secteur canadien du développement international et de l’aide humanitaire s’adapte rapidement pour répondre à la nouvelle réalité. Des organismes comme Operation Eyesight illustrent à quel point des Canadiens et des Canadiennes s’activent pour aider les populations vulnérables à travers le monde. Des actions rapides et déterminées ainsi que l’adaptation des activités ne font pas que venir en aide aux personnes les plus vulnérables à l’étranger : elles incarnent aussi la riposte du Canada à un problème qui n’a pas de visage et qui fait fi des frontières. Les organismes de la société civile canadienne jouent un rôle de premier plan dans la riposte mondiale à la covid-19. Leur capacité d’apporter rapidement des changements et d’exploiter les relations établies, de même que leur ouverture, traduisent les capacités d’innovation qu’ils ont exploitées pour répondre aux besoins de la situation actuelle et s’assurer que nous nous en sortirons grandis. 

 

*Par Arianna Abdelnaiem, assistante de recherche au Centre canadien de coopération internationale (CCCI). 

*  Ce blogue est le deuxième d’une nouvelle série du CCCI qui présente le leadership et l’innovation du secteur canadien du développement international et de l’aide humanitaire face à la pandémie de la COVID-19.