Investir dans l’aide, assurer l’avenir : Le leadership canadien dans un monde profondément incertain #SDI2024

Investir dans l’aide, assurer l’avenir : Le leadership canadien dans un monde profondément incertain #SDI2024

Le monde que nous tenons pour acquis depuis des décennies est en train d’être bouleversé. Et ce n’est pas banale. Les piliers fondamentaux de la démocratie sont ébranlés, les besoins humanitaires augmentent, les droits durement acquis sont menacés et nous assistons à un retour en arrière sur des décennies de progrès en matière de développement, en particulier pour les plus vulnérables de la planète.

Ces défis constituent des menaces directes pour le Canada et les intérêts canadiens, en augmentant l’insécurité mondiale et en étouffant la prospérité mondiale.

L’héritage du Canada en matière de leadership mondial

Lors de la dernière édition de l’IDW, Coopération Canada et ses membres se sont rendu-e-s sur la Colline du Parlement pour exhorter le Canada à renforcer son leadership mondial avant le budget 2024. Ils ont rencontré plus de 50 député-e-s, sénateur-trice-s et membres du personnel politique du Bloc Québécois, du Parti conservateur, du Parti vert, du Nouveau Parti démocratique et du Parti libéral.

Célébrez la SDI 2024 avec Coopération Canada

Célébrez la SDI 2024 avec Coopération Canada

Chaque année, dans le cadre de la Semaine du développement international (SDI), les Canadiennes et Canadiens sont invité-e-s à participer à des activités et à célébrer leur contribution à l’éradication de la pauvreté et à l’édification d’un monde plus pacifique, plus inclusif et plus prospère. Cette année, la SDI 2024 aura lieu du 4 au 10 février. Coopération Canada organisera et participera à une série d’événements spéciaux, partagera de nouvelles ressources et célébrera l’excellence et l’impact de la coopération internationale canadienne à travers le monde.

 

Journée sur la Colline 

À une époque où nous sommes confronté-e-s à de multiples crises mondiales et où le Canada est plus que jamais confronté à l’insécurité mondiale, l’aide internationale est un investissement stratégique et efficace pour un monde plus juste, plus sûr et plus durable. C’est pourquoi le 6 février 2024, Coopération Canada et ses membres passeront une journée sur la Colline du Parlement, à discuter avec les parlementaires de l’impact stratégique de l’aide canadienne, qui peut changer des vies et en sauver d’autres. La Journée sur la Colline de Coopération Canada est un événement réservé aux membres. Une réception parlementaire en partenariat avec Au-delà de nos frontières, CanSFE, ONE et Results suivra.  

 

Projection de film 

Rejoignez le Centre de l’ARC, un programme hébergé par Coopération Canada et financé par Affaires mondiales Canada, le 5 février 2024, de 17h à 20h HE pour une projection de « Zo Reken », un film qui explore l’aide humanitaire en Haïti, le néocolonialisme et les promesses non tenues de la coopération internationale. La projection sera suivie d’une séance de questions-réponses approfondie, explorant les intersections entre la Semaine du développement international (SDI) et les efforts de lutte contre le racisme au sein du secteur, en particulier pendant le Mois de l’histoire des personnes noires. Inscrivez-vous ici.

 

Cérémonie de remise des prix 

Le 7 février 2023, de 16 h à 17 h HE, Coopération Canada reconnaîtra l’excellence en matière d’aide humanitaire et de développement international lors de la cérémonie annuelle de remise des Prix Coopération Canada en remettant le prix Karen Takacs et les Prix innovation et impact, présentés en collaboration avec l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) et les fiduciaires du prix Lewis Perinbam. Joignez-vous à nous et célébrez nos estimés collègues du secteur de la coopération internationale

 

Comparution devant la commission sénatoriale permanente des affaires étrangères et du commerce international

Le 9 février, notre directrice générale, Kate Higgins, et notre responsable des politiques, Carelle Mang-Benza, comparaîtront devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour discuter de nos perspectives sur l’engagement et les intérêts du Canada en Afrique.

 

Il se passe beaucoup de choses pendant la SDI2024, et nous aimerions vous fournir une liste d’événements organisés par nos programmes et nos membres pour vous aider à vous impliquer, à défendre vos intérêts et à célébrer. Consultez notre calendrier des événements pour en savoir plus. À bientôt pour la SDI ! 

Les femmes artisanes de la paix : un investissement que le Canada ne peut se permettre de négliger

Les femmes artisanes de la paix : un investissement que le Canada ne peut se permettre de négliger

This story is part of Cooperation Canada’s Triple Nexus Spotlight Series   

 

Investing in women peacebuilders is not just a moral and effective thing to do, it’s a good financial investment we cannot afford to overlook. The returns are vital and invaluable for all of us and for the planet. 

A few years ago, Pélagie sought legal support and counselling from Héritiers de la Justice, a grassroots human rights organization in South Kivu, Democratic Republic of Congo (DRC). This conflict-ridden region is one of the world’s most dangerous places to be a woman. 

Today, Pélagie is a human rights trainer and chair of the local grassroots network in her community. Through this network, which helps facilitate Héritiers de la Justice’s programs, she educates women and girls on how to advocate for themselves, including their rights to land and property inheritance, and organizes meetings on peacebuilding and reconciliation with community members and local authorities. 

Héritiers de la Justice is a partner in the KAIROS Women of Courage: Women, Peace and Security (WPS) Program, which is funded by Global Affairs Canada and Canadian donors. The program is driven by women-led grassroots organizations that are well-trusted in their communities. They are highly attuned to the support needed in regions that are rapidly changing due to the climate crisis, conflict and growing income and food insecurities. 

Pélagie’s journey is unique but is also like thousands of other women who are impacted by war and conflict, and who empower themselves through programs such as this one to become effective peacebuilders in countries such as the DRC, Colombia, South Sudan, and the West Bank. 

In these contexts of protracted conflict, gender violence and social and economic insecurity, humanitarianism, peacebuilding, and development (HDP) are all needed, revealing the importance of triple nexus approaches where these dimensions are considered in unison. This is the daily reality faced by local women peacebuilders like Pelagie and organizations like Héritiers de le Justice and one they must address when they respond to the needs of the women and communities that they accompany. 

 

Triple Nexus: Perspectives from Women Peacebuilders 

I had the opportunity to meet with Pélagie during a recent exchange in Nairobi, Kenya, between KAIROS WPS partners from the DRC and South Sudan. A highlight of the exchange was hearing about Héritiers de la Justice’s economic empowerment projects for women peacebuilders. 

Pélagie outlined the details of an income-generating program that is inherently collective and feminist. Give a survivor and local peacebuilder one piglet and provide training on how to look after it, and she will breed five pigs, give four to other members of the grassroots network and keep one for sale or future breeding, thus expanding and sustaining the program. The resulting economic and food security will increase her individual capacity to participate in peacebuilding and defend human rights, while increasing the grassroots network’s capacity. She will also name her piglet something meaningful and inspiring like “Rhuciseze,” translated as “let’s walk courageously.” 

South Sudanese exchange participants connected immediately to this example. 

“I will carry this idea back home,” said one participant. “In South Sudan, we have been told by grassroots women and survivors of the conflict that they are committed to reconciliation, and that they want to build peace, but they cannot participate effectively and sustainably if they have nothing to eat or feed their families.” 

At KAIROS, we have heard the same message from WPS partners in Colombia and Palestine: humanitarian and human-rights-centered peacebuilding requires economic empowerment and food security. Here again, we hear a call from local partners for a Triple Nexus approach. 

 

Transforming Triple Nexus Ambitions into Funding Streams 

Thanks to Canada’s financial support – guided by its innovative Feminist International Assistance Policy (FIAP) – we have witnessed a significant rise in the number of women who are actively strengthening laws, policies, and structures to recognize and protect their rights.  

Canada’s FIAP is a proven sound policy in its prioritisation of women and girls. And while it displays a concrete understanding of the interconnectivity between humanitarian, development, and peacebuilding work, and the critical role and agency of women in these programs, it does not utilize triple nexus language or recognize this rapidly emerging approach. Even less is its commitment to developing funding streams anchored in this approach, allowing organizations to mobilize financial resources with agility across HDP. For example, human rights and economic empowerment remain siloed funding streams with strict limitations on how moneys can be disbursed.  

Last spring, despite calls from civil society to increase funding, Canada reduced its overseas development assistance (ODA). Today, Canada’s percentage allocation of gross national income is less than half that of the international standard of 0.7 percent. As a first priority, Canada must increase its ODA to reach the international standard by 2030 and ensure that these resources are directed to grassroots women’s organizations to ensure alignment with FIAP.  

Reaching the international standard should be a baseline commitment that responds to increased ground level pressures where local partners are facing rising income inequality, and economic and food insecurity exacerbated by the pandemic, increased conflict, and the impacts of climate change. 

In a financial climate where civil society organisations are receiving fewer dollars from the Government of Canada, and being asked by the communities they serve to ‘do more with less,’ a second priority should be allowing for greater flexibility in resource mobilization across the HDP spectrum and work around climate change.  

Investing in women peacebuilders who engage in both humanitarian and development activities is not just a moral, human rights-based, equitable and effective thing to do, it is a sound financial investment, and one that Canada cannot afford to overlook. In today’s world, the returns are vital and invaluable for all of us and for the planet – equitable and sustainable peace with economic and climate justice. 

 

This piece is based in part on a previous publication in The Hill Times, and authored by Rachel Warden, Partnerships Manager at KAIROS Canada. 

Gestion des conflits communautaires dans la Somalie du Sud

Gestion des conflits communautaires dans la Somalie du Sud

Cet article fait partie de la série Pleins feux sur le Triple lien de Coopération Canada  

 

En 2020, Développement et Paix – Caritas Canada, en partenariat avec Trócaire, a lancé un projet de trois ans pour soutenir les communautés vulnérables, en particulier les femmes dans les camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) et les communautés d’accueil. Le projet, intitulé « Améliorer la sécurité alimentaire des personnes déplacées vulnérables et des communautés d’accueil », vise à mettre en place des systèmes alimentaires durables grâce à l’agroécologie. Il s’est concentré sur l’autonomisation des femmes en les équipant d’intrants agricoles, y compris l’accès à la terre, et en promouvant des moyens de subsistance alternatifs résilients, ainsi qu’une gestion communautaire des ressources naturelles. Plus de 2 118 personnes (1 066 femmes et 1 052 hommes) du district de Luuq, dans la région de Gedo, dans le sud de la Somalie, ont bénéficié de cette intervention. 

Khadijo Hassan Duur Host Community

Project beneficiary harvesting on a farm provided to her to farm. Photo: CeRID

Fadhumo, 32 ans, mère de huit enfants, a reçu une formation agricole basée sur des pratiques agricoles durables, des semences, des outils agricoles et un lopin de terre à cultiver. En moyenne, Fadumo a gagné un revenu de 300 USD après chaque récolte, ce qui lui a permis de payer 16 USD par mois de frais de scolarité pour ses quatre fils qui fréquentent une madrasa locale, et de s’occuper de 14 membres de sa famille élargie. Elle a économisé suffisamment d’argent pour obtenir un prêt et ouvrir un magasin. Les groupes d’épargne ont également amélioré la confiance des femmes, leur engagement dans la prise de décision et la construction d’un réseau social sur lequel elles peuvent compter. 

La Somalie, une nation fragile, a connu des conflits prolongés, des problèmes climatiques tels que des sécheresses et des inondations, l’insécurité alimentaire, des conflits entre clans et un accès limité aux services essentiels. À la mi-2023, plus de 1,4 million de Somalien-ne-s avaient été déplacés à l’intérieur du pays en raison de ces facteurs, et plus de 8,25 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire d’urgence. En outre, plus de 3,7 millions de personnes en Somalie sont actuellement confrontées à une insécurité alimentaire aiguë.

A-three-day old group of the newly IDP at the Kahare camp; they had hopes of receiving humanitarian assistance. Photo: Trócaire

A-three-day old group of the newly IDP at the Kahare camp; they had hopes of receiving humanitarian assistance. Photo: Trócaire

Ce nombre devrait atteindre 4,3 millions de personnes entre octobre et décembre 2023, dont 1,5 million d’enfants mal nourris, 330 630 d’entre eux étant sévèrement mal nourris d’août 2023 à juillet. L’insécurité et les affrontements entre clans perturbent la paix, le développement économique, l’accès aux services de base et le bien-être psychosocial. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes vivant avec un handicap et les groupes minoritaires sont touché-e-s de manière disproportionnée. Le manque de moyens de subsistance a compromis la consommation alimentaire des ménages, obligeant ces populations à quitter leur domicile pour s’installer dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays, à plus de 20 km de là, à la recherche de besoins et de services de base.   

Les bruits forts des tirs ont été profondément traumatisants ; certains de nos voisin-e-s ont perdu des membres de leur famille. Nos terres ont été confisquées. Nous avons été submergé-e-s par la peur et n’avions plus aucun moyen pour survivre. Nous avons donc rassemblé tout ce que nous pouvions et quitté notre maison, où nous vivions depuis plus de dix ans, pour nous rendre à Dollow. Après un voyage de douze jours sur une charrette tirée par un âne, nous sommes arrivé-e-s à bon port. Dès notre arrivée, nous avons été chaleureusement accueilli-e-s par les responsables du camp, qui nous ont fourni un abri, » raconte Hawa.  

Hawa et sa famille font partie des nombreuses personnes qui ont dû s’installer à Gedo à la recherche d’une vie meilleure et plus sûre après que leurs moyens de subsistance ont été perturbés par un conflit entre groupes. Dans ce contexte, l’approche du triple lien est essentielle pour lutter contre les inégalités systémiques. Cette approche permet non seulement de faire le lien entre l’aide à court terme et le progrès social durable, mais aussi de favoriser des environnements pacifiques, permettant la pleine réalisation des droits de la personne. 

A community member from Boyle community participating in the DRR mapping exercise in Luuq District. Photo: CeRID

A community member from Boyle community participating in the DRR mapping exercise in Luuq District. Photo: CeRID

Trócaire utilise une approche sensible aux conflits qui s’engage avec les communautés pour un retour d’information et un partage d’informations sur les interventions locales. Ses programmes sont intégrés non seulement d’un point de vue thématique, mais ils ciblent aussi conjointement les communautés d’accueil et les personnes déplacées afin de promouvoir la cohésion sociale. Trócaire travaille avec les communautés pour établir des comités qui jouent un rôle essentiel dans la résolution des conflits. Par exemple, dans le cadre du programme de résilience, les agriculteur-trice-s ont créé des comités pour les aider à gérer la ferme et à résoudre les conflits. Collectivement, ils et elles ont établi des règles et des plans pour la ferme, par exemple en établissant des calendriers d’arrosage pour chaque groupe ainsi que des sanctions pour ceux qui ne respectent pas ces directives. Cela a permis de définir clairement les attentes de chaque agriculteur-trice, de partager équitablement les ressources et d’assurer le bon fonctionnement de l’exploitation commune. Parallèlement, les comités de gestion de l’eau, les comités d’éducation communautaire et les comités de santé villageois ont joué un rôle actif dans la résolution des conflits liés aux ressources. Par exemple, les comités de gestion de l’eau, dirigés et formés localement, supervisent la gestion des ressources en eau limitées en veillant à ce que les systèmes d’eau locaux soient fonctionnels et en promouvant un accès durable et équitable à l’eau. Ces comités ont coexisté et se sont soutenus mutuellement, la gestion des ressources en eau par le comité de gestion de l’eau étant soutenue par les efforts de la Commission électorale centrale (CEC) pour s’engager auprès des communautés locales et des personnes déplacées afin de collecter des fonds pour le développement de l’école. 

Trócaire a soutenu la formation d’autres comités communautaires (appelés « champions de la paix communautaires »), notamment des comités de gestion des ressources naturelles et de réduction des risques de catastrophe. Ces comités travaillent à la promotion de la coexistence pacifique au sein de leurs communautés, à la réduction des risques de catastrophes et à la gestion des ressources naturelles pour protéger l’environnement, à l’exploitation durable des ressources et à la réduction des chocs et des conflits liés au climat. Les membres des comités sont issus des différentes couches socio-économiques de la communauté et ont reçu une formation. À leur tour, ces personnes représentent les voix de la communauté qu’elles servent, identifiant les priorités à travers des consultations qui sont en partie soutenues par Trócaire.   

Ces comités collaborent étroitement avec les membres de la communauté, les institutions et les dirigeants locaux qui reconnaissent pleinement leur présence et leur travail en faveur d’une coexistence pacifique. Ils travaillent au sein de leurs communautés respectives et sont le premier point de contact en cas de conflit. Par exemple, lors de la phase de négociation entre les parties en conflit, une délégation d’anciens de la communauté et de dirigeants locaux est convoquée.   

Les ancien-ne-s ont non seulement reconnu mais aussi salué les efforts déployés pour promouvoir la paix. À la suite d’une séance de sensibilisation, les leaders de la communauté ont exprimé leurs sentiments, soulignant l’importance primordiale de la paix. 

 “Sans la paix, rien ne peut être réalisé, les forgerons ne peuvent forger des métaux, les gens n’osent pas allumer de feu de peur d’être attaqués, l’accès aux sources d’eau devient impossible et la vie elle-même devient instable,” a fait remarquer un des leaders. 

Un autre a ajouté : “En période de violence, aucun fils ne naît, mais nous perdons beaucoup d’hommes jeunes et productifs.”  

A peace building session in Gedo; aimed to sensitize community leaders on the importance of fostering peace. Photo: Mohamed, Trócaire

A peace building session in Gedo; aimed to sensitize community leaders on the importance of fostering peace. Photo: Mohamed, Trócaire

Trócaire reconnaît que les progrès réalisés grâce à la consolidation de la paix au niveau communautaire ne sont durables que s’ils s’appuient sur l’appropriation par la communauté. C’est pourquoi la collaboration et la coordination avec les institutions locales, les conseils de santé de district, les dirigeant-e-s des personnes déplacées, les autorités locales et les représentant-e-s du gouvernement sont au cœur de la conception des actions et des programmes de Trócaire. Ces collaborations permettent non seulement de gérer les conflits au sein des communautés, mais aussi de créer un environnement propice à la mise en œuvre du plan de développement humanitaire (HDP) et de veiller à ce que les communautés, qu’elles soient hôtes ou déplacées, puissent jouir d’un large éventail de droits. 

Cet article a été co-écrit par Maurine Akinyi, responsable du soutien aux programmes, Trócaire Somalie et Dominique Godbout, responsable du programme humanitaire, Développement et Paix-Caritas Canada. 

L’importance de la cohésion sociale dans les contextes fragiles : Les leçons d’un réseau interconfessionnel en Syrie

L’importance de la cohésion sociale dans les contextes fragiles : Les leçons d’un réseau interconfessionnel en Syrie

Cet article fait partie de la série Pleins feux sur le Triple lien de Coopération Canada. Il a été initialement publié le 30 octobre 2014.  (https://mccintersections.wordpress.com/2014/10/30/humanitarian-assistance-and-social-cohesion-in-syria/ 

 

Dans toute situation de crise ou de conflit, l’aide humanitaire vise à répondre aux besoins fondamentaux liés à la subsistance des personnes les plus touchées. Répondre aux besoins liés à la sécurité alimentaire, à l’eau, à l’assainissement, à l’hygiène et aux abris implique des considérations techniques qui requièrent une attention immédiate. Toutefois, la fourniture d’une aide humanitaire offre également l’occasion d’engager les communautés touchées dans un travail stratégique moins évident, mais tout aussi essentiel, visant à préserver et à renforcer la cohésion sociale. Il s’agit là de situations stratégiques dans lesquelles l’approche du triple lien peut être mise en œuvre, en associant les programmes humanitaires, de développement et de paix. 

Grâce à des initiatives locales qui favorisent les relations positives au sein des communautés menacées par les facteurs de division du sectarisme, la solidarité et la confiance peuvent être atteintes et maintenues au milieu d’un conflit ouvert. Cette conviction est au cœur de la philosophie du Forum pour le développement, la culture et le dialogue (FDCD), partenaire du Mennonite Central Committee, qui aborde son travail d’assistance humanitaire sous l’angle de la paix pour les personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie. 

Bien que la crise syrienne ait épargné peu de monde en se déplaçant de village en village, certaines zones sont restées des havres de paix relatifs pour les personnes forcées de fuir leurs maisons en raison d’une violence intense et souvent aveugle. La région de Qalamoun, qui chevauche l’autoroute reliant Damas à Homs dans le centre de la Syrie, est l’une de ces zones. La diversité de la composition de la région offre un contexte particulier pour observer la pratique tactique de la distribution de l’aide humanitaire dans un environnement multiconfessionnel où les villages sont souvent séparés par des groupes confessionnels. 

Bien que les communautés syriennes soient connues depuis longtemps pour leur hospitalité, des tensions entre les communautés d’accueil existent à Qalamoun, comme partout en Syrie, en particulier lorsque les ressources sont rares. Malgré ces difficultés, les habitants de Qalamoun ont été en mesure de répondre aux besoins de celles et ceux qui cherchaient à fuir les violences intenses à Alep, Homs et Damas. En plus d’accueillir les familles déplacées dans leurs magasins, leurs maisons et leurs écoles, les habitant-e-s de Qalamoun ont immédiatement commencé à organiser des efforts pour fournir de la nourriture et des articles d’hygiène à leurs nouveaux hôtes. Au fur et à mesure de l’arrivée des personnes déplacées, la nécessité d’une aide humanitaire plus importante est devenue évidente. Le FDCD, en étroite collaboration avec ses contacts dans la région de Qalamoun, a formé un réseau interconfessionnel local de distributeur-trice-s et de coordinateur-trice-s pour répondre à la crise. 

L’inclusion délibérée de partenaires chrétien-ne-s et musulman-e-s dans ce processus a permis de faire progresser la dimension de paix de l’approche Nexus utilisée par le FDCD. Au-delà de la distribution réussie d’une aide en nature aux familles déplacées, ce réseau a produit de nouvelles formes de confiance et de coopération entre les groupes confessionnels. 

La réponse de la communauté à la tentative de l’opposition syrienne de contrôler la région, y compris la ville de Sadad, en saisissant les véhicules et en limitant la capacité des résident-e-s locaux-ales à évacuer la zone, en est une preuve supplémentaire. Face à cette situation, le réseau interconfessionnel du FDCD a rapidement coordonné un effort pour fournir des moyens de transport. Lorsque la présence de forces antigouvernementales dans la région a rendu les déplacements des non-musulman-e-s risqués et fortement entravés, les communautés musulmanes de Qalamoun ont utilisé leurs propres véhicules pour faciliter l’évacuation en toute sécurité des membres de la communauté chrétienne vers d’autres villages de la région. À cet égard, le partenariat approfondi facilité par l’organisation et la distribution de l’aide humanitaire dans le Qalamoun s’est avéré inestimable pour la protection de la communauté chrétienne pendant cette période de persécution et de crise. 

Si la bataille de Qalamoun a sans aucun doute été destructrice, l’expérience du FDCD montre comment un réseau interconfessionnel a contribué de manière importante à atténuer les effets du conflit armé. Comme nous l’avons vu plus haut, les avantages stratégiques de son approche délibérée de la distribution humanitaire sont évidents, soutenus par un objectif de paix supplémentaire centré sur la cohésion sociale interconfessionnelle. 

Une communauté historiquement diverse dans le Qalamoun continue, à ce jour, à fournir un exemple de la façon dont les musulman-e-s et les chrétien-ne-s peuvent travailler pour naviguer dans les tensions actuelles entre les communautés d’accueil et les communautés déplacées dans le contexte du conflit syrien en cours. Alors que de nombreuses communautés syriennes sont victimes du cercle vicieux de la haine, de l’exclusion et de la persécution, l’expérience du FDCD témoigne de la valeur des approches interconfessionnelles locales de la paix et de l’humanitaire. Bien que nous ne puissions pas prédire quand la crise syrienne prendra fin, la préservation de nouvelles formes de cohésion sociale résultant de ce réseau interconfessionnel sera cruciale pour le redressement rapide du pays et le développement post-conflit. Ces relations continues deviendront essentielles pour empêcher la propagation de la haine et du sectarisme, en travaillant ensemble pour parvenir à la compréhension mutuelle, au respect, à la coexistence et au dialogue. 

 

Leçons tirées de la MCC :   

  • Compte tenu de l’attention accrue portée à l’approche du triple Nexus, une planification stratégique est nécessaire dès la phase de conception du programme. 
    • C’est une simplification excessive de supposer que, par exemple, quelques ateliers de consolidation de la paix permettront d’atteindre cet objectif. Il est nécessaire de réfléchir à la manière de contribuer à la cohésion sociale et au relèvement/développement à long terme et de l’intégrer dans la planification. 
  • Des ressources sont nécessaires avant la mise en œuvre du projet pour effectuer une analyse/carte des conflits appropriée. 
    • Il existe toujours un risque que l’aide humanitaire soit utilisée/détournée pour s’aligner sur les objectifs politiques locaux/régionaux 
    • Les ONG doivent être conscientes de cette dynamique lorsqu’elles mettent en œuvre de grands projets humanitaires. 
  • Les donateurtrices ont besoin d’un financement flexible. 
    • Alors que les donateurtrices institutionnel-le-s encouragent une approche triple Nexus, la plupart des financements sont encore limités à certaines activités (par exemple, la sécurité alimentaire). Avec des ressources limitées ou restreintes, les ONG peuvent avoir du mal à savoir comment intégrer la cohésion sociale et les programmes de développement, en particulier lorsque les ressources sont limitées pour d’autres domaines que les donateurtrices veulent privilégier : le genre, la protection, le renforcement des capacités, etc. 
  • Les donateurtrices doivent penser à long terme. 
    • La plupart des financements institutionnels sont à court terme, mais il n’est pas réaliste d’adopter une approche triple Nexus avec des financements à court terme. Les changements dans la cohésion sociale ou le passage de l’aide humanitaire au relèvement précoce/au développement impliquent une réflexion à long terme. 

 

Leçons tirées du FDCD :

  • Pour maintenir une paix durable, les ressources doivent être partagées sans discrimination et les besoins de la communauté d’accueil doivent également être pris en compte en priorité. Ce cas montre que lorsqu’ils sont traités sur un pied d’égalité, les chrétien-ne-s et les musulman-e-s reconnaissent la dignité de chacun.
  • Lorsque des organisations locales et internationales s’unissent, comme la MCC et le FDCD, pour mettre en œuvre Triple Nexus au sein des communautés confrontées au conflit en Syrie, cela peut favoriser l’harmonie, l’instauration de la confiance et la réconciliation de la population après des années de guerre et de conflit.
Cet article a été publié pour la première fois en 2014 dans la publication trimestrielle du MCC, Intersections, et rédigé par Riad Jarjour, secrétaire général du Groupe arabe pour le dialogue islamo-chrétien et président du Forum pour le développement, la culture et le dialogue (FDCD), basé au Liban. et Andrew Long-Higgins, ancien stagiaire au FDCD. Cette pièce a été mise à jour pour Coopération Canada en 2023 par Garry Mayhew. 
Pleins feux sur le Triple lien dans la pratique – Humanitaire, développement & paix

Pleins feux sur le Triple lien dans la pratique – Humanitaire, développement & paix

Les organisations de la société civile canadienne (OSC) et Affaires mondiales Canada (AMC) s’intéressent de plus en plus au Triple lien, intersectionnalité entre les pôles de l’humanitaire, du développement et de la consolidation de la paix.

C’est dans cette optique que Coopération Canada a participé à la rédaction d’une série d’articles sur le Triple lien, visant à mettre en évidence ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans les initiatives de terrain entreprises par nos membres, ainsi que certains des défis et des opportunités potentiel-le-s dans l’expansion de la programmation du Triple lien.

 

Pour en savoir plus sur le Triple lien dans la pratique, lisez ces récits de terrain.