Cet article fait partie de la série Pleins feux sur le Triple lien de Coopération Canada 

 

Le village de Shasha, un peu à l’ouest de Goma, en République démocratique du Congo, illustre bien l’intégration du travail humanitaire, du développement et de la paix. Les riches sols volcaniques de cette région sont densément peuplés de petit-e-s agriculteur-trice-s qui, ces dernières années, ont été rejoint-e-s par des milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) fuyant les zones de combat. L’arrivée de ces personnes crée un risque de conflit supplémentaire, car elles cherchent des parcelles de terre pour vivre et subvenir aux besoins de leurs familles. Les ONG locales mettent en œuvre des projets de Triple lien pour répondre aux besoins humanitaires (assistance alimentaire à court terme), aux besoins de développement (terres pour que les personnes déplacées puissent cultiver des aliments) et pour prévenir les conflits entre les personnes déplacées et les communautés d’accueil. C’est l’un des projets que j’ai visité en janvier 2023, aux côtés de collègues du Mennonite Central Committee (MCC). La programmation de la paix est au cœur du travail du MCC et est parfois incluse dans le travail de la Banque canadienne de grains. 

En RDC, le conflit est très visible et changeant, avec des dizaines de groupes armés impliqués (l’armée congolaise, les groupes armés soutenus par des acteur-trice-s étranger-ère-s, les Congolais-ses qui se sont armés eux-mêmes pour défendre leurs ressources, et maintenant les soldats de la paix d’Afrique de l’Est et de l’ONU) et des rapports quotidiens sur les mouvements de troupes et les attaques dans les zones rurales. Une grande partie du conflit trouve son origine dans la concurrence pour les minerais, certains groupes voulant exploiter les minerais et d’autres protégeant leurs terres. L’Est du Congo est riche en plusieurs minéraux essentiels très demandés par les entreprises de l’économie verte. Il existe quelques mineurs artisanaux locaux, mais la majeure partie de l’industrie minière est gérée par des sociétés étrangères, notamment canadiennes, qui ont un bilan mitigé en ce qui concerne le respect des lois congolaises et la contribution au développement en dehors des mines elles-mêmes. 

Certain-e-s des partenaires que nous avons rencontré-e-s travaillent à la réduction de ces types de conflits armés, en contribuant à la paix au niveau sociétal, ou à ce que l’on appelle souvent la « grande P ». Un partenaire congolais travaille directement avec les groupes armés, encourageant leurs membres à désarmer, tout en aidant ceux qui désarment à trouver des activités de subsistance et des communautés qui les acceptent. 

Tous les partenaires travaillent à la « petite paix » ou à la réduction des conflits interpersonnels. Ces efforts sont souvent intégrés dans des projets ayant des objectifs humanitaires ou de développement, voire les deux. Il peut s’agir de fournir une source d’eau à un jardin communautaire et une deuxième source d’eau à la communauté élargie qui n’est pas membre du groupe de jardinage. Dans certains cas, le travail sur la « petite P » consiste à organiser des ateliers ou des clubs permanents qui aident les gens à gérer les conflits interpersonnels, à se remettre de traumatismes passés ou à acquérir des compétences en matière de médiation. Bien qu’il existe des outils efficaces pour mesurer l’impact de ces activités « petite P » au niveau de la communauté, on ne sait pas exactement dans quelle mesure elles contribuent à la « grande P », la paix, dans l’ensemble de la société. 

Les partenaires que nous avons visité-e-s ont fait part d’un certain nombre de messages communs sur le Triple lien. De nombreux partenaires et participant-e-s aux projets nous ont dit qu’ « il n’y a pas de développement sans paix », c’est-à-dire que la paix et le développement sont étroitement liés et qu’il y a des synergies à travailler sur les deux ensemble. Nos partenaires ont toujours travaillé sur le Nexus, souvent avec des sources de financement différentes. Lorsqu’on leur a posé la question, ils/elles ont semblé ne pas savoir si le financement devait provenir d’une seule source ou de plusieurs. Ils/elles ont la capacité et l’expérience nécessaires pour proposer des programmes qui répondent aux besoins du moment. Ils/elles ont demandé que les différent-e-s donateur-trice-s reconnaissent cette diversité de programmes et s’efforcent d’harmoniser les exigences en matière de rapports. 

Nous avons également entendu dire que la programmation en faveur de la paix peut être peu coûteuse (par rapport à d’autres types de programmation). Dans de nombreux cas, elle peut être incorporée dans des projets humanitaires ou de développement sans trop de frais supplémentaires, mais elle ajoute une valeur significative au projet en réduisant le risque de conflit qui pourrait compromettre les gains du projet. 

Les partenaires de la MCC que nous avons rencontrés ont accueilli favorablement nos questions et ont été heureux d’apprendre que le Canada (GAC et OSC) s’intéresse de plus près au travail sur les nexus. Il s’agit peut-être d’un nouveau domaine de travail pour nous, mais pas pour eux. Grâce à leur expérience considérable en matière de programmation Nexus, ces partenaires peuvent nous aider à apprendre et à améliorer la programmation Nexus.