Aujourd’hui dans sa centième année de service, le Comité central mennonite s’est activé dans plus de cinquante pays, en temps de quiétude comme en temps de crise. À maintes reprises, il a pu apprécier la valeur du travail en collaboration avec des partenaires locaux pour élaborer et adapter la programmation de ses activités. Les pratiques exemplaires normalisées et la coordination multilatérale sont essentielles en période de crise mondiale complexe mais elles ne suffisent pas à assurer une réponse efficace.

En ce qui concerne la covid-19, nous devons tous affronter un même microbe qui affecte nos fonctions biologiques communes. Il s’agit bien sûr d’un problème d’ordre médical pour lequel il existe vraisemblablement des solutions médicales. La programmation d’activités nettement standardisées semble être le moyen le plus efficace et concret pour atteindre un grand nombre de personnes.

Malheureusement, notre monde est trop complexe pour que l’on puisse appliquer une approche universelle, même si nous devons tous affronter un seul et même virus. L’une des leçons importantes qu’a tirées le Comité au cours de ce siècle est que les moyens standardisés s’avèrent nuisibles et contreproductifs s’ils ne sont pas contrebalancés par la localisation approfondie des travaux. Lorsqu’on impose des activités sans que le milieu local se les approprie, elles deviennent souvent inefficaces et suscitent de la résistance. Lorsqu’on fait fi des priorités locales, les activités et les ressources des projets sont souvent redirigées et perverties. Lorsque les valeurs et la culture des communautés ne sont pas respectées, celles-ci sont peu enclines à s’investir et encore moins à modifier des comportements bien ancrés.

Pendant que nous nous efforçons, avec nos partenaires de diverses localités du monde, de réagir à la pandémie de covid-19, nous faisons le lien entre le mondial et le local, la pratique et la théorie, les « meilleures pratiques » internationales et la réalité sur le terrain. La réalité est que la covid-19 n’aura pas le même impact partout dans le monde et dans tous les groupes et qu’elle ne suscitera pas partout la même réponse. Des facteurs comme le niveau de revenu, les déplacements, la citoyenneté, l’âge, le genre, l’inclusion sociale et l’accès aux soins de santé qui ont rendu les communautés et les individus vulnérables avant la pandémie continueront de faire subir leur influence durant l’éclosion de la covid-19.

Cela exige de réaliser des projets adaptés et de moindre envergure et le Comité a priorisé ce raisonnement dans son approche à la pandémie. À Mwenezi, au Zimbabwe, la communauté a par exemple demandé que les mesures prises face à la covid-19 lui permettent de mieux se positionner pour se protéger du choléra et des maladies véhiculées par l’eau qui sévissaient avant la pandémie. À Assola et Bambasi, en Éthiopie, les agriculteurs nous ont demandé de travailler avec eux et avec le gouvernement pour mettre au point des stratégies qui protègent aussi les récoltes et sécurisent les gains difficilement acquis au fil des années de travail de la terre par la communauté. À Nikopol, en Ukraine, la priorité locale était de protéger les personnes sans domicile et le personnel qui s’en occupe. À Haïti, certains partenaires limitent de plus en plus leurs interactions directes avec la communauté pour assurer leur sécurité. Certains autres, comme notre partenaire de Bomon qui lutte contre la violence sexuelle ou axée sur les genres, ont dû maintenir et élargir leurs activités devenues plus nécessaires dans un contexte fragilisé par la pandémie.

Des activités pertinentes et efficaces sur le plan financier nécessitent une connaissance approfondie du contexte local, une capacité d’adaptation et une appropriation par la communauté ainsi que l’application des pratiques exemplaires internationales et une saine coordination. Comme d’autres ONG canadiens, nous sommes bien placés pour faire ce lien et faciliter la réalisation de travaux durables, sensibles au contexte et fondés sur des faits partout à travers le monde. En cette période de crise, le secteur ne peut minimiser ce que nous avons appris de l’importance de l’approche locale. Plus que jamais est-elle nécessaire.

 

Photo : Emma Themistoc dirige le regroupementSolidarité Fanm Ayisyèn SOFA, partenaire du Comité mennonite du Canada à Beaumont, Haïti. Les bureaux locaux, qui font office de centre de répit durant le jour, aident les femmes victimes de violence sensible aux genres en les accompagnant tout au long des procédures juridiques et médicales, en leur octroyant du microcrédit et en leur offrant un soutien psychologique et social. Madame Themistoc a joué un rôle majeur dans le maintien et l’intensification de ces mesures pendant la pandémie, malgré les problèmes accrus que pose la covid-19, en soulignant le besoin d’intervenir devant la hausse de la violence axée sur les genres. (Crédit : CMC, Annalee Giesbrecht)

 

* Ce blog est la troisième d’une nouvelle série du CCCI qui présente le leadership et l’innovation du secteur canadien du développement international et de l’aide humanitaire face à la pandémie COVID-19.