MHN 2025 – Entretien avec Zeina Osman

MHN 2025 – Entretien avec Zeina Osman

Pour la deuxième année, Coopération Canada célèbre le Mois de l’histoire des Noirs en mettant en lumière les voix et les contributions des leaders noirs de la coopération internationale canadienne. Dans le cadre de cette campagne numérique, nous dressons le profil des artisans du changement, des innovateurs et des perturbateurs qui façonnent le secteur, en partageant leurs réalisations, leurs défis et leurs perspectives. En amplifiant ces histoires, nous visons à favoriser une plus grande reconnaissance du leadership noir et à inspirer un dialogue significatif sur l’équité et l’inclusion dans la coopération internationale. Rejoignez-nous pour reconnaître et honorer ces incroyables leaders tout au long du mois de février !

Cette semaine, nous vous invitons à rencontrer Zeina Osman, directrice, Dons et impact, à International Development and Relief Foundation (IDRF).

Pourquoi avez-vous décidé de travailler dans la coopération internationale et quels ont été les points forts de votre carrière ?

J’ai commencé ma carrière en travaillant dans le domaine de l’action sociale au niveau national, où j’ai vu de mes propres yeux comment les communautés se développent lorsqu’elles ont accès aux bonnes ressources et aux bonnes opportunités. Le passage à la coopération internationale m’est apparu comme une progression naturelle, une occasion de transposer ces mêmes principes à l’échelle mondiale, où les enjeux sont souvent plus importants et les défis plus complexes. Le fait d’avoir grandi dans une communauté diasporique a façonné ma compréhension de l’interconnexion et de la responsabilité, deux éléments qui alimentent mon travail quotidien.

Quelles expériences ont influencé votre carrière en tant que personne noire dans le secteur de la coopération internationale ?

Être une jeune femme africaine dans ce domaine est à la fois un privilège et une responsabilité. Il est impossible d’ignorer à quel point les personnes comme moi sont sous-représentées, en particulier dans les espaces de décision, alors que la plupart des travaux se concentrent sur le Sud. Cela a renforcé ma détermination à diriger avec intégrité et à veiller à ce que les personnes que nous servons se reconnaissent dans les dirigeant-e-s qui façonnent leur avenir. La représentation n’est pas une simple case à cocher, c’est la pierre angulaire de l’instauration de la confiance et de l’obtention de résultats équitables.

Quels sont vos espoirs pour l’avenir et quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui souhaitent travailler dans la coopération internationale ?

J’espère que le secteur sera véritablement axé sur l’expérience vécue et le leadership diversifié, non pas comme une conversation secondaire, mais comme le fondement d’un développement équitable et efficace. Alors que le monde devient de plus en plus instable, la coopération internationale doit évoluer pour refléter les réalités et la résilience des communautés que nous servons.

Mois de l’histoire des personnes noires 2025

Mois de l’histoire des personnes noires 2025

Changeurs, innovateurs et perturbateurs noirs qui façonnent la coopération internationale du Canada

Pour une deuxième année consécutive, Coopération Canada célèbre le Mois de l’histoire des personnes noires en mettant en lumière les voix et les contributions des leaders noir-e-s de la coopération internationale canadienne. Dans le cadre de cette campagne numérique, nous dressons le profil des acteur-trice-s de changement, des innovateur-trice-s et des perturbateur-trice-s qui façonnent le secteur, en partageant leurs réalisations, leurs défis et leurs perspectives. En amplifiant ces histoires, nous visons à favoriser une plus grande reconnaissance du leadership noir et à inspirer un dialogue significatif sur l’équité et l’inclusion dans la coopération internationale. Rejoignez-nous pour reconnaître et honorer ces incroyables leaders tout au long du mois de février !

Découvrez les profils ci-dessous !

Redéfinir le développement mondial : Un événement pour le MHN

Rejoignez-nous le 26 février pour une discussion inspirante lors de notre événement Redéfinir le développement mondial : Le leadership noir dans la coopération internationale. Ce panel dynamique mettra en lumière les contributions, les défis et le leadership des professionnel-le-s noir-e-s qui conduisent le changement sur la scène mondiale. Ne manquez pas cette occasion d’entendre des leaders qui brisent les barrières et redéfinissent la coopération internationale.

Créer des espaces plus sûrs : Une ressource pour le MHN

En plus de ces initiatives, nous aimerions mettre en avant la ressource du Centre de l’anti-racisme en coopération (ARC), Création d’espaces plus sûrs pour les dirigeant-e-s et le personnel racisés de la coopération internationale. Cette ressource est un appel à l’action pour les dirigeant-e-s d’organisations, fournissant aux organisations des connaissances importantes, des stratégies concrètes et des outils pour créer des environnements plus sûrs et plus inclusifs pour les dirigeant-e-s et le personnel racialisés, ainsi que pour les partenaires et les parties prenantes.

Combler le fossé : Perspectives du nouveau rapport de International Justice Mission sur les violences basées sur le genre

Combler le fossé : Perspectives du nouveau rapport de International Justice Mission sur les violences basées sur le genre

Les violences basées sur le genre (VBG) figurent parmi les violations des droits humains les plus répandues à l’échelle mondiale, enracinées dans les inégalités de genre, les déséquilibres de pouvoir et les normes sociétales nuisibles. Les Nations Unies définissent les VBG comme « tout acte de violence fondé sur le genre qui entraîne, ou risque d’entraîner, des préjudices ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques pour les femmes, y compris les menaces de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, qu’elle soit publique ou privée ». 

Cette violence affecte de manière disproportionnée les femmes, les filles et les communautés marginalisées, avec des répercussions bien au-delà de l’individu. Les VBG brisent les dynamiques familiales, déstabilisent les communautés et affaiblissent la cohésion sociétale, posant un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité des genres. Au Canada, en moyenne, 102 femmes et filles sont victimes d’homicides liés au genre chaque année. Les femmes autochtones, quant à elles, subissent des taux de violence plus élevés et sont 12 fois plus susceptibles d’être assassinées ou portées disparues que les autres femmes. L’ampleur mondiale et la prévalence des violences basées sur le genre rendent leur élimination impérative non seulement pour les droits humains mais aussi pour la construction de sociétés justes et équitables. 

Les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, observés chaque année du 25 novembre au 10 décembre, constituent un appel à sensibilisation et à responsabilisation face à ces injustices omniprésentes. Au Canada, le 6 décembre marque la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, une date qui rappelle la tragédie de la fusillade de l’École Polytechnique en 1989, où 14 femmes ont été assassinées en raison de leur genre. Alors que cette campagne s’achève, l’urgence de transformer l’activisme en solutions concrètes devient cruciale, surtout face aux nouvelles données mettant en lumière les obstacles auxquels les survivantes sont confrontées dans leur quête de justice. 

Une récente série d’études de l’International Justice Mission (IJM), intitulée « À leur place : Le long chemin vers la justice pour les victimes de violence en Amérique latine », offre des perspectives précieuses. IJM a mené des recherches au Salvador, au Guatemala et en Bolivie, révélant des taux élevés de VBG mais des taux de signalement alarmants. Au Salvador, 40 % des femmes et 28 % des adolescentes ont subi des violences, tandis qu’au Guatemala, ces chiffres s’élèvent respectivement à 37 % et 28 %. En Bolivie, bien que plus de 90 % des femmes et des adolescentes déclarent être prêtes à signaler les violences, seulement 16,89 % des femmes et 4,53 % des adolescentes ont déposé plainte. 

Pourquoi cet écart est-il si marqué ? Des obstacles tels que la peur, la honte et le manque de confiance dans le système judiciaire empêchent les victimes de se manifester. Même celles qui signalent font face à des défis significatifs. En Bolivie, malgré 81,14 % des femmes et 92,75 % des adolescentes n’ayant pas déposé plainte, plus de la moitié des femmes qui l’ont fait ont rencontré des retards dans les procédures légales, et seulement 10 % des victimes ont reçu une quelconque forme de soutien. Ces défaillances laissent les survivantes sans justice ni assistance, perpétuant ainsi des cycles de violence et d’impunité. 

Les données agrégées, telles que celles des rapports de l’IJM, sont essentielles pour comprendre l’ampleur et la nature des VBG. Ces informations fournissent des perspectives clés sur les lieux et les moyens d’intervention les plus nécessaires, permettant aux décideur-euse-s politiques et aux organisations de concevoir des réponses adaptées aux défis uniques auxquels sont confrontées les victimes dans différentes régions. Sans ces données, les solutions risquent de rester déconnectées des réalités locales, laissant les obstacles systémiques intacts et les victimes sans soutien. En construisant une vision plus claire des lacunes dans les systèmes de signalement, de justice et de services aux victimes, les approches fondées sur les données peuvent conduire à des solutions plus efficaces, ciblées et durables. 

Les rapports plaident pour des réformes urgentes, notamment l’élaboration de protocoles clairs de signalement, des processus juridiques rapides et l’amélioration des services de soutien aux victimes, tels que des soins tenant compte des traumatismes. S’attaquer à ces obstacles nécessite des changements systémiques pour rétablir la confiance, garantir la responsabilisation et créer un système de justice qui fonctionne pour les victimes. 

Comme nous le rappellent les 16 jours d’activisme, la lutte contre les VBG exige une attention et une action soutenues. Les perspectives des rapports de l’IJM soulignent les lacunes que nous devons combler pour garantir justice et sécurité à tous et à toutes.  

IJM Canada est membre de Coopération Canada et fait partie d’une organisation mondiale dédiée à la lutte contre les violences et l’esclavage en soutenant les victimes et en renforçant les systèmes judiciaires. Découvrez l’organisation et accédez aux rapports ici. 

 

 

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Édité par Lorianne Dueck Rebello et Paul Farran.

Gestion des conflits communautaires dans la Somalie du Sud

Gestion des conflits communautaires dans la Somalie du Sud

Cet article fait partie de la série Pleins feux sur le triple lien de Coopération Canada  

 

En 2020, Développement et Paix – Caritas Canada, en partenariat avec Trócaire, a lancé un projet de trois ans pour soutenir les communautés vulnérables, en particulier les femmes dans les camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) et les communautés d’accueil. Le projet, intitulé « Améliorer la sécurité alimentaire des personnes déplacées vulnérables et des communautés d’accueil », vise à mettre en place des systèmes alimentaires durables grâce à l’agroécologie. Il s’est concentré sur l’autonomisation des femmes en les équipant d’intrants agricoles, y compris l’accès à la terre, et en promouvant des moyens de subsistance alternatifs résilients, ainsi qu’une gestion communautaire des ressources naturelles. Plus de 2 118 personnes (1 066 femmes et 1 052 hommes) du district de Luuq, dans la région de Gedo, dans le sud de la Somalie, ont bénéficié de cette intervention. 

Khadijo Hassan Duur Host Community

Project beneficiary harvesting on a farm provided to her to farm. Photo: CeRID

Fadhumo, 32 ans, mère de huit enfants, a reçu une formation agricole basée sur des pratiques agricoles durables, des semences, des outils agricoles et un lopin de terre à cultiver. En moyenne, Fadumo a gagné un revenu de 300 USD après chaque récolte, ce qui lui a permis de payer 16 USD par mois de frais de scolarité pour ses quatre fils qui fréquentent une madrasa locale, et de s’occuper de 14 membres de sa famille élargie. Elle a économisé suffisamment d’argent pour obtenir un prêt et ouvrir un magasin. Les groupes d’épargne ont également amélioré la confiance des femmes, leur engagement dans la prise de décision et la construction d’un réseau social sur lequel elles peuvent compter. 

La Somalie, une nation fragile, a connu des conflits prolongés, des problèmes climatiques tels que des sécheresses et des inondations, l’insécurité alimentaire, des conflits entre clans et un accès limité aux services essentiels. À la mi-2023, plus de 1,4 million de Somalien-ne-s avaient été déplacés à l’intérieur du pays en raison de ces facteurs, et plus de 8,25 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire d’urgence. En outre, plus de 3,7 millions de personnes en Somalie sont actuellement confrontées à une insécurité alimentaire aiguë.

A-three-day old group of the newly IDP at the Kahare camp; they had hopes of receiving humanitarian assistance. Photo: Trócaire

A-three-day old group of the newly IDP at the Kahare camp; they had hopes of receiving humanitarian assistance. Photo: Trócaire

Ce nombre devrait atteindre 4,3 millions de personnes entre octobre et décembre 2023, dont 1,5 million d’enfants mal nourris, 330 630 d’entre eux étant sévèrement mal nourris d’août 2023 à juillet. L’insécurité et les affrontements entre clans perturbent la paix, le développement économique, l’accès aux services de base et le bien-être psychosocial. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes vivant avec un handicap et les groupes minoritaires sont touché-e-s de manière disproportionnée. Le manque de moyens de subsistance a compromis la consommation alimentaire des ménages, obligeant ces populations à quitter leur domicile pour s’installer dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays, à plus de 20 km de là, à la recherche de besoins et de services de base.   

Les bruits forts des tirs ont été profondément traumatisants ; certains de nos voisin-e-s ont perdu des membres de leur famille. Nos terres ont été confisquées. Nous avons été submergé-e-s par la peur et n’avions plus aucun moyen pour survivre. Nous avons donc rassemblé tout ce que nous pouvions et quitté notre maison, où nous vivions depuis plus de dix ans, pour nous rendre à Dollow. Après un voyage de douze jours sur une charrette tirée par un âne, nous sommes arrivé-e-s à bon port. Dès notre arrivée, nous avons été chaleureusement accueilli-e-s par les responsables du camp, qui nous ont fourni un abri, » raconte Hawa.  

Hawa et sa famille font partie des nombreuses personnes qui ont dû s’installer à Gedo à la recherche d’une vie meilleure et plus sûre après que leurs moyens de subsistance ont été perturbés par un conflit entre groupes. Dans ce contexte, l’approche du triple lien est essentielle pour lutter contre les inégalités systémiques. Cette approche permet non seulement de faire le lien entre l’aide à court terme et le progrès social durable, mais aussi de favoriser des environnements pacifiques, permettant la pleine réalisation des droits de la personne. 

A community member from Boyle community participating in the DRR mapping exercise in Luuq District. Photo: CeRID

A community member from Boyle community participating in the DRR mapping exercise in Luuq District. Photo: CeRID

Trócaire utilise une approche sensible aux conflits qui s’engage avec les communautés pour un retour d’information et un partage d’informations sur les interventions locales. Ses programmes sont intégrés non seulement d’un point de vue thématique, mais ils ciblent aussi conjointement les communautés d’accueil et les personnes déplacées afin de promouvoir la cohésion sociale. Trócaire travaille avec les communautés pour établir des comités qui jouent un rôle essentiel dans la résolution des conflits. Par exemple, dans le cadre du programme de résilience, les agriculteur-trice-s ont créé des comités pour les aider à gérer la ferme et à résoudre les conflits. Collectivement, ils et elles ont établi des règles et des plans pour la ferme, par exemple en établissant des calendriers d’arrosage pour chaque groupe ainsi que des sanctions pour ceux qui ne respectent pas ces directives. Cela a permis de définir clairement les attentes de chaque agriculteur-trice, de partager équitablement les ressources et d’assurer le bon fonctionnement de l’exploitation commune. Parallèlement, les comités de gestion de l’eau, les comités d’éducation communautaire et les comités de santé villageois ont joué un rôle actif dans la résolution des conflits liés aux ressources. Par exemple, les comités de gestion de l’eau, dirigés et formés localement, supervisent la gestion des ressources en eau limitées en veillant à ce que les systèmes d’eau locaux soient fonctionnels et en promouvant un accès durable et équitable à l’eau. Ces comités ont coexisté et se sont soutenus mutuellement, la gestion des ressources en eau par le comité de gestion de l’eau étant soutenue par les efforts de la Commission électorale centrale (CEC) pour s’engager auprès des communautés locales et des personnes déplacées afin de collecter des fonds pour le développement de l’école. 

Trócaire a soutenu la formation d’autres comités communautaires (appelés « champions de la paix communautaires »), notamment des comités de gestion des ressources naturelles et de réduction des risques de catastrophe. Ces comités travaillent à la promotion de la coexistence pacifique au sein de leurs communautés, à la réduction des risques de catastrophes et à la gestion des ressources naturelles pour protéger l’environnement, à l’exploitation durable des ressources et à la réduction des chocs et des conflits liés au climat. Les membres des comités sont issus des différentes couches socio-économiques de la communauté et ont reçu une formation. À leur tour, ces personnes représentent les voix de la communauté qu’elles servent, identifiant les priorités à travers des consultations qui sont en partie soutenues par Trócaire.   

Ces comités collaborent étroitement avec les membres de la communauté, les institutions et les dirigeants locaux qui reconnaissent pleinement leur présence et leur travail en faveur d’une coexistence pacifique. Ils travaillent au sein de leurs communautés respectives et sont le premier point de contact en cas de conflit. Par exemple, lors de la phase de négociation entre les parties en conflit, une délégation d’anciens de la communauté et de dirigeants locaux est convoquée.   

Les ancien-ne-s ont non seulement reconnu mais aussi salué les efforts déployés pour promouvoir la paix. À la suite d’une séance de sensibilisation, les leaders de la communauté ont exprimé leurs sentiments, soulignant l’importance primordiale de la paix. 

 “Sans la paix, rien ne peut être réalisé, les forgerons ne peuvent forger des métaux, les gens n’osent pas allumer de feu de peur d’être attaqués, l’accès aux sources d’eau devient impossible et la vie elle-même devient instable,” a fait remarquer un des leaders. 

Un autre a ajouté : “En période de violence, aucun fils ne naît, mais nous perdons beaucoup d’hommes jeunes et productifs.”  

A peace building session in Gedo; aimed to sensitize community leaders on the importance of fostering peace. Photo: Mohamed, Trócaire

A peace building session in Gedo; aimed to sensitize community leaders on the importance of fostering peace. Photo: Mohamed, Trócaire

Trócaire reconnaît que les progrès réalisés grâce à la consolidation de la paix au niveau communautaire ne sont durables que s’ils s’appuient sur l’appropriation par la communauté. C’est pourquoi la collaboration et la coordination avec les institutions locales, les conseils de santé de district, les dirigeant-e-s des personnes déplacées, les autorités locales et les représentant-e-s du gouvernement sont au cœur de la conception des actions et des programmes de Trócaire. Ces collaborations permettent non seulement de gérer les conflits au sein des communautés, mais aussi de créer un environnement propice à la mise en œuvre du plan de développement humanitaire (HDP) et de veiller à ce que les communautés, qu’elles soient hôtes ou déplacées, puissent jouir d’un large éventail de droits. 

Cet article a été co-écrit par Maurine Akinyi, responsable du soutien aux programmes, Trócaire Somalie et Dominique Godbout, responsable du programme humanitaire, Développement et Paix-Caritas Canada. 

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L’importance de la cohésion sociale dans les contextes fragiles : Les leçons d’un réseau interconfessionnel en Syrie

L’importance de la cohésion sociale dans les contextes fragiles : Les leçons d’un réseau interconfessionnel en Syrie

Cet article fait partie de la série Pleins feux sur le triple lien de Coopération Canada. Il a été initialement publié le 30 octobre 2014.  (https://mccintersections.wordpress.com/2014/10/30/humanitarian-assistance-and-social-cohesion-in-syria/ 

 

Dans toute situation de crise ou de conflit, l’aide humanitaire vise à répondre aux besoins fondamentaux liés à la subsistance des personnes les plus touchées. Répondre aux besoins liés à la sécurité alimentaire, à l’eau, à l’assainissement, à l’hygiène et aux abris implique des considérations techniques qui requièrent une attention immédiate. Toutefois, la fourniture d’une aide humanitaire offre également l’occasion d’engager les communautés touchées dans un travail stratégique moins évident, mais tout aussi essentiel, visant à préserver et à renforcer la cohésion sociale. Il s’agit là de situations stratégiques dans lesquelles l’approche du triple lien peut être mise en œuvre, en associant les programmes humanitaires, de développement et de paix. 

Grâce à des initiatives locales qui favorisent les relations positives au sein des communautés menacées par les facteurs de division du sectarisme, la solidarité et la confiance peuvent être atteintes et maintenues au milieu d’un conflit ouvert. Cette conviction est au cœur de la philosophie du Forum pour le développement, la culture et le dialogue (FDCD), partenaire du Mennonite Central Committee, qui aborde son travail d’assistance humanitaire sous l’angle de la paix pour les personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie. 

Bien que la crise syrienne ait épargné peu de monde en se déplaçant de village en village, certaines zones sont restées des havres de paix relatifs pour les personnes forcées de fuir leurs maisons en raison d’une violence intense et souvent aveugle. La région de Qalamoun, qui chevauche l’autoroute reliant Damas à Homs dans le centre de la Syrie, est l’une de ces zones. La diversité de la composition de la région offre un contexte particulier pour observer la pratique tactique de la distribution de l’aide humanitaire dans un environnement multiconfessionnel où les villages sont souvent séparés par des groupes confessionnels. 

Bien que les communautés syriennes soient connues depuis longtemps pour leur hospitalité, des tensions entre les communautés d’accueil existent à Qalamoun, comme partout en Syrie, en particulier lorsque les ressources sont rares. Malgré ces difficultés, les habitants de Qalamoun ont été en mesure de répondre aux besoins de celles et ceux qui cherchaient à fuir les violences intenses à Alep, Homs et Damas. En plus d’accueillir les familles déplacées dans leurs magasins, leurs maisons et leurs écoles, les habitant-e-s de Qalamoun ont immédiatement commencé à organiser des efforts pour fournir de la nourriture et des articles d’hygiène à leurs nouveaux hôtes. Au fur et à mesure de l’arrivée des personnes déplacées, la nécessité d’une aide humanitaire plus importante est devenue évidente. Le FDCD, en étroite collaboration avec ses contacts dans la région de Qalamoun, a formé un réseau interconfessionnel local de distributeur-trice-s et de coordinateur-trice-s pour répondre à la crise. 

L’inclusion délibérée de partenaires chrétien-ne-s et musulman-e-s dans ce processus a permis de faire progresser la dimension de paix de l’approche Nexus utilisée par le FDCD. Au-delà de la distribution réussie d’une aide en nature aux familles déplacées, ce réseau a produit de nouvelles formes de confiance et de coopération entre les groupes confessionnels. 

La réponse de la communauté à la tentative de l’opposition syrienne de contrôler la région, y compris la ville de Sadad, en saisissant les véhicules et en limitant la capacité des résident-e-s locaux-ales à évacuer la zone, en est une preuve supplémentaire. Face à cette situation, le réseau interconfessionnel du FDCD a rapidement coordonné un effort pour fournir des moyens de transport. Lorsque la présence de forces antigouvernementales dans la région a rendu les déplacements des non-musulman-e-s risqués et fortement entravés, les communautés musulmanes de Qalamoun ont utilisé leurs propres véhicules pour faciliter l’évacuation en toute sécurité des membres de la communauté chrétienne vers d’autres villages de la région. À cet égard, le partenariat approfondi facilité par l’organisation et la distribution de l’aide humanitaire dans le Qalamoun s’est avéré inestimable pour la protection de la communauté chrétienne pendant cette période de persécution et de crise. 

Si la bataille de Qalamoun a sans aucun doute été destructrice, l’expérience du FDCD montre comment un réseau interconfessionnel a contribué de manière importante à atténuer les effets du conflit armé. Comme nous l’avons vu plus haut, les avantages stratégiques de son approche délibérée de la distribution humanitaire sont évidents, soutenus par un objectif de paix supplémentaire centré sur la cohésion sociale interconfessionnelle. 

Une communauté historiquement diverse dans le Qalamoun continue, à ce jour, à fournir un exemple de la façon dont les musulman-e-s et les chrétien-ne-s peuvent travailler pour naviguer dans les tensions actuelles entre les communautés d’accueil et les communautés déplacées dans le contexte du conflit syrien en cours. Alors que de nombreuses communautés syriennes sont victimes du cercle vicieux de la haine, de l’exclusion et de la persécution, l’expérience du FDCD témoigne de la valeur des approches interconfessionnelles locales de la paix et de l’humanitaire. Bien que nous ne puissions pas prédire quand la crise syrienne prendra fin, la préservation de nouvelles formes de cohésion sociale résultant de ce réseau interconfessionnel sera cruciale pour le redressement rapide du pays et le développement post-conflit. Ces relations continues deviendront essentielles pour empêcher la propagation de la haine et du sectarisme, en travaillant ensemble pour parvenir à la compréhension mutuelle, au respect, à la coexistence et au dialogue. 

 

Leçons tirées de la MCC :   

  • Compte tenu de l’attention accrue portée à l’approche du triple lien, une planification stratégique est nécessaire dès la phase de conception du programme. 
    • C’est une simplification excessive de supposer que, par exemple, quelques ateliers de consolidation de la paix permettront d’atteindre cet objectif. Il est nécessaire de réfléchir à la manière de contribuer à la cohésion sociale et au relèvement/développement à long terme et de l’intégrer dans la planification. 
  • Des ressources sont nécessaires avant la mise en œuvre du projet pour effectuer une analyse/carte des conflits appropriée. 
    • Il existe toujours un risque que l’aide humanitaire soit utilisée/détournée pour s’aligner sur les objectifs politiques locaux/régionaux 
    • Les ONG doivent être conscientes de cette dynamique lorsqu’elles mettent en œuvre de grands projets humanitaires. 
  • Les donateurtrices ont besoin d’un financement flexible. 
    • Alors que les donateurtrices institutionnel-le-s encouragent une approche triple lien, la plupart des financements sont encore limités à certaines activités (par exemple, la sécurité alimentaire). Avec des ressources limitées ou restreintes, les ONG peuvent avoir du mal à savoir comment intégrer la cohésion sociale et les programmes de développement, en particulier lorsque les ressources sont limitées pour d’autres domaines que les donateurtrices veulent privilégier : le genre, la protection, le renforcement des capacités, etc. 
  • Les donateurtrices doivent penser à long terme. 
    • La plupart des financements institutionnels sont à court terme, mais il n’est pas réaliste d’adopter une approche triple lien avec des financements à court terme. Les changements dans la cohésion sociale ou le passage de l’aide humanitaire au relèvement précoce/au développement impliquent une réflexion à long terme. 

 

Leçons tirées du FDCD :

  • Pour maintenir une paix durable, les ressources doivent être partagées sans discrimination et les besoins de la communauté d’accueil doivent également être pris en compte en priorité. Ce cas montre que lorsqu’ils sont traités sur un pied d’égalité, les chrétien-ne-s et les musulman-e-s reconnaissent la dignité de chacun.
  • Lorsque des organisations locales et internationales s’unissent, comme la MCC et le FDCD, pour mettre en œuvre triple lien au sein des communautés confrontées au conflit en Syrie, cela peut favoriser l’harmonie, l’instauration de la confiance et la réconciliation de la population après des années de guerre et de conflit.

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Cet article a été publié pour la première fois en 2014 dans la publication trimestrielle du MCC, Intersections, et rédigé par Riad Jarjour, secrétaire général du Groupe arabe pour le dialogue islamo-chrétien et président du Forum pour le développement, la culture et le dialogue (FDCD), basé au Liban. et Andrew Long-Higgins, ancien stagiaire au FDCD. Cette pièce a été mise à jour pour Coopération Canada en 2023 par Garry Mayhew. 

Pleins feux sur le triple lien dans la pratique – Humanitaire, développement & paix

Pleins feux sur le triple lien dans la pratique – Humanitaire, développement & paix

Les organisations de la société civile canadienne (OSC) et Affaires mondiales Canada (AMC) s’intéressent de plus en plus au triple lien, intersectionnalité entre les pôles de l’humanitaire, du développement et de la consolidation de la paix.

C’est dans cette optique que Coopération Canada a participé à la rédaction d’une série d’articles sur le triple lien, visant à mettre en évidence ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans les initiatives de terrain entreprises par nos membres, ainsi que certains des défis et des opportunités potentiel-le-s dans l’expansion de la programmation du triple lien.

 

Pour en savoir plus sur le triple lien dans la pratique, lisez ces récits de terrain.