Pourquoi parlons-nous de la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle?  

L’aide internationale du Canada est décrite dans la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle (LRMADO). En vigueur depuis 2008, la LRMADO fixe les conditions d’admissibilité des fonds considérés comme de l’aide publique au développement (APD) et s’applique à tous les ministères fédéraux concernés. En tant que tel, la LRMADO a une valeur instrumentale pour toutes les organisations canadiennes engagées dans la coopération internationale, dont beaucoup ont fait partie du processus de co-construction qui a conduit à l’adoption du projet de loi en 2008.

De multiples modifications importantes ont été apportées à la LRMADO depuis son adoption. L’un d’entre eux a déjà modifié la définition même de l’APD, tandis qu’un projet de loi d’initiative parlementaire C-287, présenté par le porte-parole de l’opposition au développement international du Parti conservateur, Garnett Genuis, vise à modifier davantage les dispositions de la LRMADO. Pour faire la lumière sur ce projet de loi et son importance pour notre secteur, l’impact des récentes modifications législatives et les changements proposés, Coopération Canada a préparé ce court guide.

En quoi consiste la LRMADO?

Le projet de loi protège l’intégrité de l’APD, entendue comme un financement « dont l’objectif central est la réduction de la pauvreté et qui est conforme aux valeurs canadiennes, à la politique étrangère du Canada, aux principes de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide du 2 mars 2005, au développement durable et à la promotion de la démocratie, et qui favorise les normes internationales en matière de droits de la personne ». L’APD est donc interprétée à l’article 1 comme le financement: 

  1. Visant à  » promouvoir le développement économique et le bien-être des pays en développement  » dans un caractère concessionnel, ce qui signifie qu’au moins une partie (dans ce cas 25%) doit prendre la forme d’un don, conformément aux critères en trois points décrits ci-dessous, et  
  2. Est destiné à l’aide humanitaire.  

L’APD en faveur du développement (entendue au sens très large d’aide non humanitaire) doit répondre au test des trois critères, qui suggère que les financements éligibles à l’APD doivent  

  1. Contribuer à la réduction de la pauvreté 
  2. Prendre en compte les perspectives des pauvres et 
  3. Être conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne.  

De cette façon, la législation canadienne garantit une approche de l’aide internationale fondée sur les droits de la personne, qui doit être appliquée indépendamment de toute politique institutionnelle. Documents d’orientation d’Affaires mondiales Canada offrent des instruments pour l’interprétation de ces trois critères.   

Le projet de loi exige que le gouvernement présente des rapports sur l’APD, notamment le Rapport au Parlement sur l’aide publique au développement du gouvernement du Canada (qui est généralement coproduit par le ministre du Développement international et le ministre des Affaires étrangères) et le Rapport statistique sur l’aide internationale, publié par Affaires mondiales Canada pour chaque exercice financier.   

 

Modifications récentes apportées à la LRMADO

En 2019, la LRMADO a été modifié pour s’aligner sur la définition de l’APD « publiée sur le site de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] ». En vigueur depuis juin 2021, cette modification change les calculs à partir de la nouvelle mesure d’équivalent-subvention. Alors que les anciennes orientations de l’OCDE et le texte original de la LRMADO faisaient tous deux référence à l’APD avec un équivalent-don d’au moins 25 % (calculé à un taux d’actualisation de 10 %), l’examen actuel par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE de l’éligibilité à l’APD sur la base de l’élément-don est plus complexe et varie selon les économies des pays et le type d’aide, comme indiqué ici.   

La version actualisée de ce projet de loi protège toutefois toujours les critères en trois points décrits ci-dessus ainsi que d’autres exigences en matière de rapports et d’autres éléments de ce projet de loi. Des modifications supplémentaires (depuis 2013 et 2018) ont en outre abrogé certaines dispositions relatives aux exigences en matière de rapports concernant l’influence du Canada sur les institutions de Bretton Woods et ont abouti à un rapport unique décrivant l’aide du Canada à travers divers canaux multilatéraux et bilatéraux. D’autres changements ont érodé la transparence des rapports du Canada sur l’APD, notamment en ce qui concerne la transparence de l’aide publique au développement et la prévisibilité des niveaux de base de l’enveloppe de l’aide internationale.    

Le projet de loi prévoit également des consultations gouvernementales sur l’APD (qui sont organisées par le ministère des Finances tous les deux ans – la dernière soumission de Coopération Canada est disponible en anglais seulement ici) et le rapport statistique. Les récents amendements ont une chance d’assouplir les critères de l’APD (en réduisant le seuil du pourcentage d’équivalent-subvention du financement), ceci ne peut se produire que par une érosion plus large des critères de l’APD au niveau du CAD de l’OCDE. Compte tenu des derniers amendements, l’action coordonnée de la société civile au niveau du CAD de l’OCDE, ainsi qu’avec les équipes d’Affaires mondiales Canada pour informer la position du Canada à ce forum mondial, revêt une grande importance. 

 

Ne pas réparer ce qui n’est pas cassé? Implications des changements proposés par le projet de loi C-287  

En avril 2021, le député Garnett Genuis a déposé le projet de loi C-287, qui vise à ajouter des éléments supplémentaires aux critères en trois points décrits ci-dessus, ce qui empêcherait l’APD du Canada d’être allouée à des gouvernements étrangers qui ont détenu arbitrairement des citoyens ou des résidents permanents canadiens, ou qui se sont  « livrés à un crime contre l’humanité, un génocide ou un crime de guerre ». Enfin, un critère supplémentaire proposé dans le document C-287 exige que l’APD soit compatible avec les efforts plus généraux du Canada en matière de paix et de sécurité internationales.   

Coopération Canada accueille toutes les conversations et les changements législatifs qui peuvent améliorer l’efficacité de l’aide internationale du Canada. Bien que nous croyions que de grands progrès peuvent être réalisés en ce qui concerne la prévisibilité, la transparence, l’inclusivité et l’échelle plus large de l’aide internationale du Canada, le projet de loi proposé ne reflète pas les priorités actuelles de Coopération Canada.   

L’aide internationale du Canada est, dans une large mesure, consacrée à l’aide humanitaire, qui suit les principes humanitaires mondiaux d’impartialité et de neutralité, donnant la priorité à la vie et aux moyens de subsistance des populations touchées par une crise (des civils qui, selon les conventions internationales, ne peuvent être tenus responsables des actions de leurs gouvernements) sur les intérêts politiques de ces acteurs.   

Bien que nous soyons d’accord avec l’importance de s’assurer que l’APD reflète les positions normatives des Canadiens et les engagements internationaux, les critères existants protègent déjà les normes en matière de droits de la personne de l’APD, ainsi que la catégorie plus large de la réduction de la pauvreté, qui dépend de la cessation des conflits et de l’atteinte de la paix internationale. Enfin, l’APD du Canada est en grande partie allouée par l’intermédiaire d’organisations multilatérales, qui dépendent d’un financement souple pour diriger l’aide internationale vers ceux qui en ont le plus besoin. À ce titre, le Canada, tout comme d’autres pays contribuant aux arènes multilatérales, ne peut exercer une influence indue sur ces organisations et désigner les pays où l’aide du Canada peut ou ne peut pas être déployée. L’efficacité et l’efficience des institutions multilatérales sont également protégées par les cadres de gouvernance mondiale du CAD de l’OCDE et de l’ONU, ce qui rendrait les critères de la LRMADO incompatibles avec les engagements mondiaux du Canada. 

 

Vous souhaitez en savoir plus sur l’APD?     

La société civile canadienne s’est exprimée sur les approches visant à garantir que l’aide internationale du Canada respecte les dispositions de l’APD. Un rapport intitulé Il est temps d’agir (disponible en anglais seulement) présente les principaux points de vue issus des discussions organisées par le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI, actuellement Coopération Canada).   

Un argumentaire plus large pour l’aide publique au développement du Canada est présenté dans l’Un plan pour nous tous, qui décrit les réalisations de l’engagement mondial du Canada et trace la voie à suivre pour une augmentation stratégique visant à résoudre les défis mondiaux qui nous touchent tous. Un plan pour nous tous décrit également les domaines d’intervention stratégiques dans 11 domaines thématiques.   

Un plan pour nous tous amplifie la voix de l’ensemble du secteur, qui demande une augmentation de l’aide internationale. Malgré les engagements internationaux de longue date, le Canada contribue à moins de la moitié de sa juste part mondiale, investissant seulement 30 cents pour chaque 100 $ de son revenu national dans des solutions aux défis mondiaux tels que la pauvreté, l’inégalité, l’urgence climatique et les pandémies mondiales. En utilisant une approche basée sur des preuves, Un plan pour nous tous demande aux leaders du pays, à travers le spectre politique, de s’engager à augmenter de façon durable l’aide internationale du Canada qui reflète l’urgence de nos défis mondiaux.   

 

*Coopération Canada est reconnaissant à Brian Tomlinson (Aid Watch Canada) pour sa perspicacité et ses conseils au cours de cette analyse.