Transfert du pouvoir dans la coopération internationale : Établir des liens pour les membres de Coopération Canada

Transfert du pouvoir dans la coopération internationale : Établir des liens pour les membres de Coopération Canada

Les 20 et 21 novembre 2023, Coopération Canada a invité ses membres à discuter de la façon de faire passer le programme de transfert du pouvoir des mots à l’action. Les objectifs spécifiques étaient de fournir un contexte et d’échanger des perspectives sur les questions liées à l’évolution des rôles des ONGI canadiennes en réponse au programme de transfert du pouvoir, et de réfléchir et de générer des idées pratiques pour accélérer l’opérationnalisation du programme de transfert du pouvoir au Canada, y compris l’exploration de l’idée d’un centre dédié ou d’une communauté de pratique.

Avant l’atelier, les membres de Coopération Canada avaient reçu une copie du document de travail intitulé Le transfert du pouvoir au sein de la coopération internationale : Établir des liens. Ce document définit les principaux termes et arguments liés au transfert du pouvoir dans la coopération internationale, présente les transformations en cours dans les pays du Nord et du Sud, puis décrit ce que font les acteur-trice-s canadien-ne-s, parmi d’autres, pour faire avancer le programme de transfert du pouvoir. 

Le premier jour de l’atelier a permis de dresser l’agenda du transfert de pouvoir, en commençant par les participant-e-s qui ont résumé le concept de transfert de pouvoir en deux mots, comme l’illustre le nuage de mots ci-dessous. 

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Les présentations de la matinée, animées par Leila Moumouni-Tchouassi du Centre de l’anti-racisme en coopération, hébergé par Coopération Canada, se sont concentrées sur les arguments d’efficacité et d’éthique qui sous-tendent le programme de transfert de pouvoir. Tout d’abord, Andréanne Martel, directrice générale d’Activer le changement, un programme du Réseau de coordination des conseils (RCC), a présenté les principales conclusions d’une étude analysant l’impact de la pandémie de la Covid-19 sur les relations des OSC avec leurs partenaires nationaux-ales. Elle a indiqué que les changements induits par la pandémie ont révélé des gains d’efficacité mais n’ont pas abouti à une large accélération de la localisation, notant qu’il s’agissait d’une occasion manquée de transformer les pratiques et les mentalités. Le deuxième présentatrice, Themrise Khan, professionnelle du développement et chercheuse indépendante, a abordé l’argument de l’éthique, en présentant la localisation comme un terme artificiel qui désigne les personnes et les organisations situées en dehors des pays du Nord comme des locaux-ales. De son point de vue, le transfert de pouvoir consiste à donner et à laisser aller, ce qui va au-delà de la décolonisation du système d’aide. 

  

Dans l’après-midi, la modératrice, Marlen Mondaca, vice-présidente des programmes et des partenariats chez Canadian Feed The Children, a donné une tournure locale à la conversation en traitant du paysage canadien. Après une mise à jour de la recommandation du CAD de l’OCDE sur l’habilitation de la société civile par Brian Tomlinson, directeur général d’AidWatch Canada, les participant-e-s ont assisté à une présentation d’Affaires mondiales Canada sur l’Initiative des subventions et des contributions (par Karl Gagné, directeur de l’Intégration des politiques pour l’Initiative de transformation) et sur les plans d’élaboration d’une orientation politique sur la localisation (par Kim Joslin, directrice adjointe, Division de la coordination des politiques d’aide internationale). Après Affaires mondiales Canada, John Clayton, directeur des Programmes et des projets de Samaritan’s Purse Canada, a donné un aperçu de l’environnement législatif qui oblige les organismes de bienfaisance canadiens à travailler avec des organismes non caritatifs, y compris des partenaires nationaux. Pour clore la journée, les participant-e-s ont entendu Nancy Lafrance, directrice du Programme de coopération volontaire au CECI, expliquer comment son organisation a introduit l’idée de partenaires nationaux à son conseil d’administration et transféré des postes de direction dans le Sud, tout en adaptant sa culture d’entreprise et sa langue.  

 

La deuxième journée a permis aux participant-e-s de l’atelier d’interagir lors de sessions interactives, en commençant par une analyse sur les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces des OSC canadiennes. Les participant-e-s ont ensuite procédé à un exercice de visualisation d’une future structure de soutien (qu’il s’agisse d’un centre spécialisé, d’un groupe de travail ou d’un modèle différent) qui permettrait aux OSC de tirer parti de leurs forces et de leurs opportunités, tout en comblant les lacunes et en s’attaquant aux menaces tout au long de leur parcours vers le transfert de pouvoir. L’exercice de visualisation s’est terminé par une réflexion du groupe sur les fonctions possibles d’une structure de soutien, en mettant en balance ses avantages et le défi que représentent le financement et le maintien de son fonctionnement. Le groupe a convenu de poursuivre la réflexion par l’intermédiaire d’un groupe de travail plus restreint dans les mois à venir. Coopération Canada s’engage à travailler en étroite collaboration avec la société civile et l’ensemble du spectre politique pour faire avancer l’opérationnalisation du Programme de transfert du pouvoir et traduire le leadership féministe du Canada en partenariats éthiques et équitables avec les acteur-trice-s mondiaux-ales. 

  

Coopération Canada tient à remercier les organisations membres qui ont soutenu cet événement, à savoir Canadian Feed the Children, la Croix-Rouge canadienne, la Banque de céréales vivrières du Canada (CGFC), le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI), Oxfam Québec et The Primate’s World Relief and Development Fund (PWRDF). 

Localization partners

Carelle Mang-Benza

Carelle Mang-Benza

Responsable des politiques

La localisation au cœur des Journées de la société civile du CAD de l’OCDE 2023

La localisation au cœur des Journées de la société civile du CAD de l’OCDE 2023

 

Du 19 au 21 juin 2023, le Comité d’aide au développement de l’OCDE (CAD de l’OCDE) a tenu ses Journées de la société civile à Paris. Ce forum biennal explore les défis auxquels la société civile est confrontée et jette des ponts entre un ensemble diversifié d’acteurtrices du développement pour s’engager les un-e-s avec les autres, identifier les opportunités et trouver des solutions pour mieux permettre à la société civile d’être des acteurtrices indépendant-e-s du développement. L’édition 2023, axée sur le thème « Permettre une transformation menée localement et équilibrer les partenariats », a réuni des représentant-e-s gouvernementaux-ales du CAD de l’OCDE, notamment des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, et des acteurtrices de la société civile du monde entier, dont Brian Tomlinson, directeur exécutif d’AidWatch Canada et coprésident du groupe de travail sur la localisation de Coopération Canada. Le thème de ces réunions a démontré la reconnaissance de l’impératif de transférer le pouvoir et de décoloniser l’architecture de la coopération internationale. 

 

 

Faits saillants

Les participant-e-s ont pu discuter de la question de la transformation locale au cours d’une table ronde et d’ateliers techniques connexes.

 

Table ronde

 

La table ronde visait à générer des idées pour de nouvelles actions afin de maximiser la contribution de la société civile à la réalisation de l’Agenda 2030 de l’ONU. Comme l’ont réaffirmé les intervenant-e-s de la table ronde, l’engagement à rééquilibrer les relations de pouvoir et à trouver un terrain d’entente pour des partenariats équitables avec et entre les acteurtrices de la société civile est essentiel pour une telle action. Le représentant d’Affaires mondiales Canada (AMC) a expliqué que la motivation du Canada dans le programme de localisation est sa longue tradition et son intérêt pour une coopération efficace, comme l’illustre le Fonds canadien d’initiatives locales, qui existe depuis longtemps et qui finance des projets à petite échelle dans plus de 120 pays éligibles à l’aide publique au développement. AMC a également mentionné le processus de transformation quinquennal des subventions et des contributions comme un domaine de travail très transformateur. 

Un autre orateur, un dirigeant d’OSC d’Afrique de l’Est, a souligné les difficultés persistantes liées à des questions moins concrètes, telles que la terminologie et les modes de collaboration, lorsqu’il s’agit de s’engager sur ces questions importantes. Parce que les mots sont importants, la localisation et le développement mené localement ne devraient pas être utilisés de manière interchangeable, car ils renvoient à des contextes et à des défis différents. L’orateur a également souligné l’importance de reconnaître et de discuter des tensions entre les partenariats égaux et équitables : les héritages coloniaux ne peuvent être ignorés et les attentes de tous les acteurs doivent donc refléter le déséquilibre historique des pouvoirs.

 

Ateliers techniques

 

Six ateliers techniques ont été organisés sur des thèmes tels que : l’apprentissage par les pairs en matière de développement local ; les communications sur le développement ; la démocratie et l’autocratisation ; l’engagement de la société civile dans l’action climatique ; et les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la recommandation du CAD sur la participation de la société civile à la coopération au développement et à l’aide humanitaire.

 

 

La Recommandation du CAD sur la participation de la société civile à la coopération pour le développement et à l’aide humanitaire

La recommandation 2021 du CAD de l’OCDE sur la participation de la société civile à la coopération pour le développement et à l’aide humanitaire (la « recommandation ») est le premier cadre international adopté pour guider et inciter les fournisseurs de coopération pour le développement et d’aide humanitaire à soutenir les acteurtrices de la société civile dans les pays donateurs et partenaires, et a été un point de discussion essentiel lors des Journées de la société civile. Bien qu’elle ne soit pas strictement contraignante, la recommandation permet d’attirer l’attention politique sur les questions relatives à l’environnement favorable à la société civile et engage les signataires à prendre des mesures autour de ses trois piliers : 

  1. Respecter, protéger et promouvoir l’espace civique ;
  1. Soutenir la société civile et s’engager avec elle ; et
  1. Encourager l’efficacité, la transparence et la responsabilité de la société civile.

Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association des Nations Unies a participé à la réunion et a déploré les menaces croissantes qui pèsent sur les défenseureuses des droits de la personne. Il a souligné la synergie entre l’autonomisation des acteurtrices de la société civile, y compris par le biais d’un soutien financier de base, et la qualité de leurs contributions au développement humain. Un rapport de 2022 du rapporteur spécial indique que « la participation et la contribution de la société civile à la réalisation des buts et principes des Nations Unies, y compris la réalisation des droits de la personne et du développement durable, sont primordiales, et les États devraient tout mettre en œuvre pour soutenir, plutôt qu’inhiber, le travail de la société civile ». Les participant-e-s ont observé que la force de la recommandation du CAD de l’OCDE peut être renforcée en veillant à ce qu’elle soit référencée dans d’autres documents de haut niveau, comme c’est le cas dans le rapport du rapporteur spécial

 

 

Ce que l’on peut attendre de l’avenir

Renforcement du dialogue entre le CAD et la société civile

 

L’adoption de la recommandation du CAD de l’OCDE a donné un nouvel élan aux pays adhérents et à la société civile pour collaborer sur cet agenda. Le renforcement du dialogue entre la Communauté de pratique du CAD sur la société civile (CdP) et le Groupe de référence du CAD-OSC (GR-OSC) est conforme à l’esprit de la Recommandation et peut grandement faciliter le partage des connaissances et favoriser les progrès.

Exemple concret : en 2023, le Groupe de référence du CAD-OSC a mené une enquête auprès de ses membres afin d’identifier les initiatives et les actions de la société civile et des donateurs qui font progresser les principes énoncés dans la recommandation. Plutôt que de tenter d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la recommandation, l’enquête visait à identifier des exemples d’innovation et de pratiques positives susceptibles d’encourager l’apprentissage et l’échange et de soutenir une mise en œuvre plus efficace de la recommandation à l’avenir. 

59 personnes ont répondu à l’enquête, dont 34 (58 %) de partenaires du Nord et 25 (42 %) de partenaires du Sud. De nombreux-ses répondant-e-s ont décrit leur engagement dans des initiatives visant à sensibiliser à la recommandation et à développer les approches des OSC pour faciliter sa mise en œuvre. Ces initiatives comprenaient l’organisation d’événements de sensibilisation et de plaidoyer sur la recommandation, ainsi que des actions pédagogiques visant à renforcer la capacité des OSC à utiliser la recommandation. Les répondant-e-s ont également mentionné des initiatives visant à mettre en œuvre le troisième pilier de la Recommandation, notamment en engageant des dialogues internes sur de nouvelles méthodes de travail qui privilégient le transfert de fonds et de leadership aux partenaires locaux-ales, et en reconnaissant par ailleurs la Recommandation dans les programmes visant à promouvoir des partenariats autonomes et équitables.

 

Brian Tomlinson, directeur exécutif d’AidWatch Canada, a déclaré à propos des Journées de la société civile 2023 :

« Ce dialogue a créé un précédent important, puisqu’il s’agit de notre première réunion avec l’ensemble des membres de la communauté de pratique pour la société civile. J’espère que nous pourrons trouver des moyens de nous engager régulièrement dans les années à venir, jusqu’à la première évaluation quinquennale des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la recommandation en 2025. » 

 

 

Révision de la recommandation

 

La première évaluation quinquennale des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la recommandation aura lieu en 2025. Dans l’intervalle, l’OCDE travaille sur des boîtes à outils destinées à aider les membres du CAD à mettre en pratique les dispositions de la Recommandation. La première boîte à outils, publiée en 2023, porte sur le renforcement de l’appropriation locale et des OSC des pays partenaires en tant qu’acteurtrices indépendant-e-s du développement et de l’aide humanitaire, un aspect essentiel d’un programme de localisation plus large. La deuxième boîte à outils se concentrera sur le transfert de pouvoir et l’autonomisation des partenariats, en abordant les dispositions supplémentaires de la Recommandation relatives à la localisation. Des consultations ouvertes sur la deuxième boîte à outils devraient être annoncées dans les mois à venir. Coopération Canada continuera d’informer ses membres et d’engager les membres et Affaires mondiales Canada sur les possibilités d’accélérer les progrès dans la mise en œuvre de la Recommandation. 

 

 

 

 

Carelle Mang-Benza

Carelle Mang-Benza

Responsable des politiques
Lancement du rapport sur la Coopération pour le développement 2023 : Quel système d’aide pour demain ?

Lancement du rapport sur la Coopération pour le développement 2023 : Quel système d’aide pour demain ?

L’édition 2023 du rapport Coopération pour le développement, qui marque son 60e anniversaire, dresse un état des lieux des crises multiples qui soumettent les modèles actuels de coopération pour le développement à rude épreuve. Le rapport appelle à s’attaquer aux racines du maldevelopment, confrontant l’héritage colonial et le racisme. Le rapport, notamment dans son Chapitre 14 co-écrit par AidWwatch Canada, expose comment le système actuel désavantage les organisations du Sud Global, et propose quatre lignes d’action: Honorer les engagements; Soutenir une transformation pilotée à l’échelon local; Moderniser les modèles d’activité; et Rééquilibrer les relations de pouvoir dans la prise de décisions.  

Une alternative à Direction et Contrôle? Réponse à l’ébauche sur les lignes directrices de l’ARC relatives à l’accord de subvention à des donataires non reconnus

Une alternative à Direction et Contrôle? Réponse à l’ébauche sur les lignes directrices de l’ARC relatives à l’accord de subvention à des donataires non reconnus

Les organismes de bienfaisance du Canada sont régis par les lignes directrices CG-002 de l’Agence du revenu du Canada (ARC), communément appelé « Direction et Contrôle », émanant de la Loi de l’impôt sur le revenu. À la suite des modifications apportées à ces dispositions dans le budget fédéral de 2022, l’ARC a révisé les lignes directrices décrivant comment les organismes de bienfaisance enregistrés peuvent faire des « débours admissibles » à des donataires non reconnus et a invité les parties prenantes à commenter l’ébauche de lignes directrices entre novembre 2022 et janvier 2023. Dans sa soumission à l’ARC, Coopération Canada apprécie les efforts déployés pour répondre aux préoccupations du secteur concernant l’approche Direction et contrôle, mais souligne que les lignes directrices mettent trop l’accent sur le risque et imposent des exigences onéreuses aux organismes de bienfaisance. 

Coopération Canada a souligné les sections de l’ébauche des lignes directrices qui nécessitent une révision importante, notamment celles sur l’évaluation des risques, les outils de responsabilisation et le financement commun. Le cadre d’évaluation des risques est particulièrement problématique pour les organisations qui travaillent à l’échelle internationale. Les lignes directrices ne précisent pas le risque que l’ARC tente de minimiser, mais utilise un langage qui ressemble beaucoup à celui utilisé dans les mesures d’atténuation des risques pour le financement du terrorisme. En exigeant que les organismes de bienfaisance évaluent le niveau de risque dès le début de la subvention, les lignes directrices peuvent décourager les organismes de bienfaisance de s’associer à de jeunes ou de petites organisations. 

Parmi les sections qui ont besoin d’être clarifiées, Coopération Canada recommande que l’ARC examine les clauses sur les dons dirigés et les questions de sécurité. Pour finir, la soumission indique que certaines définitions importantes ne sont pas précisées dans les lignes directrices. Plusieurs de ces points ont également été soulevés par d’autres personnes du secteur de la bienfaisance. 

Pour d’autres opinions sur le sujet : 

  

Le secteur des organismes de bienfaisance réclame depuis longtemps plus de justice, d’équité et d’égalité des chances. L’ébauche des lignes directrices contient malheureusement des pièges potentiels, qui pourraient avoir l’effet involontaire de perpétuer les pratiques de direction et de contrôle, malgré le dégoût quasi unanime du secteur pour ce concept paternaliste. Une véritable alternative devrait ancrer une culture de relations éthiques et de collaboration respectueuse dans le cadre régissant les activités des organismes de bienfaisance aux côtés des organismes partenaires au Canada et à l’étranger. 

Carelle Mang-Benza

Carelle Mang-Benza

Responsable des politiques