Témoignage de Kate Higgins au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international le mercredi 8 février 2023. Panel 1 : de 16 h à 17 h.

 

Bon après-midi. C’est un plaisir d’être ici. J’aimerais rendre hommage et exprimer ma gratitude au peuple algonquin Anishnaabe, dont nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire non cédé et non abandonné. J’aimerais également souligner que nous nous réunissons pendant le Mois de l’histoire des Noir-e-s, et reconnaître le tort que les pratiques coloniales, racistes et oppressives que beaucoup, y compris la société civile, ont causé dans le monde entier au nom du développement. Ceux et celles d’entre nous qui s’engagent dans le développement international et l’aide humanitaire doivent entamer une profonde réflexion, évoluer et prendre des mesures pour faire mieux.  

J’ai le privilège de diriger Coopération Canada, une coalition de près de 100 organisations canadiennes de développement international et d’aide humanitaire travaillant dans toutes les régions du monde. En tant que voix nationale indépendante pour la coopération internationale, nous travaillons avec nos membres, et avec d’autres partenaires ici au Canada et dans le monde, pour réaliser un monde plus juste, plus sûr et plus durable. Alors que je m’adresse à vous aujourd’hui, mes pensées vont aux personnes touchées par le tremblement de terre dévastateur de cette semaine en Turquie et en Syrie. Les membres de Coopération Canada travaillent avec leurs partenaires en Turquie et en Syrie, ainsi qu’avec leurs réseaux mondiaux, pour fournir une aide immédiate.  

Comme vous le savez tous et toutes, cette semaine est la Semaine du développement international. Une occasion pour nous de mettre en lumière les contributions canadiennes à l’éradication de la pauvreté, à la lutte contre les inégalités et au soutien des droits, de la paix et de la prospérité dans le monde. Les membres de Coopération Canada travaillent d’un océan à l’autre pour mobiliser des milliers de personnes durant cette semaine. Ils sont dans les écoles, les universités et les bibliothèques, dans les marchés fermiers intérieurs et dans les cinémas, ici sur la Colline du Parlement, et même lors des grands matchs de hockey, pour parler de la différence que le développement international et l’aide humanitaire du Canada font dans le monde entier pour sauver et changer des vies. 

Ces discussions se déroulent à un moment où le monde est confronté à de multiples crises qui se cumulent les unes les autres, et où le monde se sent plus en danger et incertain qu’il ne l’a été depuis très longtemps. 

En 2023, on estime que quelque 339 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire, soit une augmentation de 25 % par rapport à l’année dernière. Au moins 222 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, dont quelque 45 millions de personnes menacées de famine, dans ce que l’ONU appelle « la plus grande crise alimentaire mondiale de l’histoire moderne ». Ces besoins records sont alimentés par une série de crises qui s’entrecroisent, notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la pression exercée sur les systèmes alimentaires mondiaux, les chocs économiques tout au long de la pandémie de COVID-19 et l’impact ultérieur de la pandémie, ainsi que l’urgence climatique. 

 

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Au Canada, nous ne sommes pas à l’abri de ces défis ou de ces crises. Ils affectent directement notre prospérité économique. Ils ont un impact sur notre sécurité. Et vont à l’encontre de nos valeurs, de notre croyance dans les droits de la personne, l’équité entre les genres, la démocratie et la justice. 

Dans ce contexte, distingué-e-s sénateur-trice-s, j’ai trois messages à vous transmettre aujourd’hui. 

Premièrement, le Canada doit considérer l’aide internationale comme un investissement intelligent et stratégique. Il ne s’agit pas de charité. C’est un investissement pour soutenir la démocratie et le développement dans des pays où les droits, en particulier ceux des femmes, des filles, des personnes de genre différent et des minorités, sont menacés. Elle garantit des services de base à un moment où de nombreux pays sont aux prises avec des dettes et des défauts de paiement. Elle nous donne un poids et une influence en matière de diplomatie et de politique étrangère en faisant correspondre nos paroles aux investissements et aux actions. Elle nous aide à négocier des accords qui correspondent à la fois à nos valeurs et à nos intérêts stratégiques. Ce n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est aussi la chose intelligente à faire. 

Le gouvernement en est conscient : il s’est engagé à augmenter chaque année l’aide internationale du Canada d’ici 2030 afin de réaliser les objectifs de développement durable des Nations Unies. 

Deuxièmement, l’aide internationale canadienne fonctionne. Elle fait une différence dans la vie de millions de personnes dans le monde. Le Canada a été un chef de file dans la lutte pour les droits des femmes au Honduras, la protection des réfugiés en Ukraine, la liberté de la presse au Sud-Soudan, la protection de la minorité Rohingya au Bangladesh et au Myanmar, la gouvernance démocratique inclusive en République démocratique du Congo et, comme je l’ai dit, les organisations canadiennes se mobilisent en ce moment même pour fournir une aide humanitaire vitale à la suite du tremblement de terre dévastateur de cette semaine. 

Bien que je défende l’efficacité de l’aide internationale et que j’appelle à un engagement audacieux du Canada à l’échelle mondiale, je reconnais également que le monde évolue rapidement et que le système mondial de développement et d’aide humanitaire doit changer lui aussi. Nous devons débloquer de nouvelles sources de financement pour faire tout ce qui est possible pour atteindre les Objectifs de développement durable. Nous devons changer nos méthodes de travail, en tant que gouvernements et en tant que société civile, afin de transférer le pouvoir, les ressources et la prise de décision vers ceux et celles qui sont les plus touché-e-s par ces crises qui s’aggravent. Nous devons affiner la manière dont nous opérationnalisons l’engagement et l’action à l’échelle mondiale dans les divers piliers de la politique étrangère canadienne et agir de manière à reconnaître que, dans les endroits où ces crises sont le plus durement ressenties, la diplomatie, la sécurité, le commerce, les opérations de paix, le développement et l’action humanitaire sont tous nécessaires, complémentaires et interdépendants. 

Mon troisième et dernier point est court et simple : les Canadien-ne-s soutiennent l’engagement mondial et l’aide internationale du Canada. Nous ressentons et voyons l’impact des crises convergentes et comprenons que l’aide internationale est un investissement dans le monde dans lequel nous voulons tous et toutes vivre. En effet, dans un sondage Abacus réalisé la semaine dernière, 63 % des personnes interrogées ont déclaré qu’étant donné l’état du monde en ce moment, il est important ou très important que le Canada continue d’investir dans le soutien au développement et aux droits de la personne à l’étranger. Oui, nous nous attendons à un contexte fiscal difficile, avec une augmentation des taux d’intérêt, de l’inflation et une croissance potentiellement lente. Oui, il y a des défis que nous devons relever ici au Canada. Mais j’espère que ceux et celles d’entre nous qui ont la chance d’habiter au Canada peuvent comprendre qu’un pays comme le nôtre doit et peut s’attaquer aux problèmes ici au Canada tout en s’engageant au-delà de nos frontières. Nous pouvons nous soucier du Canada tout en nous préoccupant du monde. C’est la bonne chose, et la chose intelligente, à faire.