
Protection des humanitaires et soignants dans les conflits armés- Une responsabilité partagée
Ottawa, le 17 septembre 2024 – Dans le cadre d’un panel organisé par Médecins du Monde Canada, Olivier Vandecasteele, travailleur humanitaire belge et fondateur de Protect Humanitarians, s’est exprimé aujourd’hui au Centre mondial du Pluralisme à Ottawa. Cette conférence visait à faire avancer les engagements du secteur humanitaire canadien afin de renforcer la protection des travailleurs et travailleuses humanitaires et de santé qui prodiguent des soins et du soutien à la population locale lors de conflits armés. En collaboration avec l’Ambassade de Belgique et d’autres organisations et coalitions du secteur humanitaire canadien, le panel a souligné les responsabilités partagées des États et des ONG (organisations non gouvernementales) dans l’amélioration de ces mesures de protection.
Multiplication des attaques contre les travailleurs humanitaires
En 2024, alors que les conflits armés se multiplient et s’intensifient, 299,4 millions de personnes dans le monde ont besoin d’aide humanitaire. Pour apporter une aide vitale à ces populations durement affectées par les conflits, les personnels humanitaires et de santé sont amenés à travailler dans des environnements de plus en plus dangereux. En 2023, selon le Aid Worker Security Report, il est estimé que 595 travailleurs et travailleuses humanitaires ont été victimes d’attaques et de violences à travers le monde, dont 280 ont été tués, 224 blessés et 91 kidnappés. Il s’agit d’un sombre record, ce nombre de travailleurs humanitaires tués par la violence étant le plus élevé jamais enregistré.
Le droit international humanitaire (DIH) et les principes humanitaires sont à la base de la protection des actions humanitaires et des missions médicales. Pourtant, malgré les protections, les défis pour garantir la sécurité des humanitaires et des professionnels de santé dans les conflits armés sont croissants.
Dans le monde entier, nous assistons non seulement à une escalade, mais également à une normalisation de la violence contre les humanitaires qui sont pris pour cible.
« La situation est critique et compromet nos capacités d’intervention à un moment où les besoins sont criants plus que jamais. Nous avons besoin d’une approche concertée de l’ensemble des acteurs. Les États, dont le Canada, ainsi que la communauté internationale doivent aussi partager les responsabilités. Agissons ensemble pour alléger le fardeau de risque des premiers répondants ; c’est une priorité », a souligné Nadja Pollaert, directrice générale de Médecins du Monde Canada.
En 2023, Médecins du Monde, Humanité et Inclusion, et Action contre la Faim ont publié le rapport intitulé « Les risques auxquels nous sommes confrontés dépassent l’entendement : renforcer la protection des personnels humanitaires et médicaux ». Ce rapport met en lumière les principaux défis et demandes des organisations pour assurer la sécurité des personnels humanitaires et de santé.
Appel à des actions concrètes et une responsabilité partagée
Nous appelons les parties aux conflits, mais aussi les États, à agir concrètement afin de protéger les personnels humanitaires et de santé contre toute forme de violence, notamment en condamnant ces violations et en luttant contre leur impunité.
Le système humanitaire repose sur le personnel local, qui constitue 95 % des victimes, alors qu’il est en première ligne là où les besoins sont les plus importants. Pourtant, aujourd’hui, ce personnel est le moins protégé, équipé et soutenu. Nous demandons que les États et les ONG internationales partagent les ressources et priorisent le soutien aux associations locales afin qu’elles puissent gérer leur propre sécurité.
Pour assurer la sécurité de leur personnel, les organisations doivent mettre en place des stratégies pour à la fois prévenir et répondre aux risques. Cela veut dire, par exemple, s’équiper de matériel, former leur personnel, ou encore avoir des personnes dédiées à la gestion de la sécurité. Nous demandons aux acteurs qui financent l’aide de financer systématiquement les coûts liés à la gestion de la sécurité et au soutien des humanitaires ciblés et victimes.
« Sans protection du personnel humanitaire, il n’y a pas d’aide humanitaire efficace pour les populations civiles qui sont les premières victimes des conflits. Nous demandons aux États de s’attaquer à l’impunité quasi-totale dont profitent les auteurs des attaques, et d’accroître l’assistance juridique offerte aux survivants et aux familles des victimes, afin que les auteurs soient progressivement traduits en justice. Nous demandons aux donateurs et aux dirigeants d’ONG d’investir dans le soutien à la santé mentale des travailleurs humanitaires, qui sont de plus en plus confrontés à des événements traumatisants. Des initiatives telles que Protect Humanitarians visent à donner une voix aux humanitaires locaux dans les efforts mondiaux de plaidoyer pour la protection des travailleurs humanitaires », a expliqué Olivier Vandecasteele, humanitaire et fondateur de Protect Humanitarians.
Au-delà du tribut payé par les humanitaires et les travailleurs de santé, cette intensification des violences a également un impact considérable sur les populations civiles prises au piège par les conflits. Celles-ci sont non seulement victimes de conflits de plus en plus longs et de situations d’urgence plus complexes, elles sont aussi parfois délibérément privées d’une assistance et d’une protection humanitaires vitales.
Les travailleurs et travailleuses humanitaires et de santé doivent être mieux protégés, le plus rapidement possible, afin que les besoins et soins vitaux puissent continuer à être prodigués aux populations civiles affectées par ces conflits armés.