Les préparatifs de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4), qui se tiendra en Espagne en juin/juillet 2025, sont sur leurs dernières lignes droite. Les États membres des Nations unies, le monde universitaire, la société civile, le secteur privé et d’autres acteur-trice-s se sont réuni-e-s à New York du 2 au 6 décembre 2024 pour la deuxième session du comité préparatoire de la conférence. Il s’agissait d’une étape clé dans la mise en avant des éléments qui alimenteront les accords à conclure en Espagne. En tant que forum qui se réunit environ une fois par décennie, le FfD4 jouera un rôle déterminant dans la définition d’une voie à suivre pour le financement du développement durable et une gouvernance économique mondiale plus équilibrée. 

Coopération Canada a participé à ces sessions, en collaboration avec le mécanisme mondial de financement du développement par la société civile, en cherchant à établir des liens entre les processus du FfD4 et le travail que nous menons sur la justice économique, y compris à travers notre leadership du Civil7. En fin de compte, les objectifs de ces processus convergent et visent à relever les défis mondiaux fondamentaux qui limitent la marge de manœuvre fiscale des pays dans la conduite de leur propre développement. En dirigeant le Civil7, nous nous efforcerons de présenter au gouvernement du Canada, en tant que président du G7, et au G7 dans son ensemble, des propositions politiques réalisables, dans lesquelles le G7 pourrait faire preuve de leadership pour corriger certains de ces déséquilibres économiques mondiaux.  

Quel est le rôle du Canada ? 

Bien que les participant-e-s aient convenu que certains des principaux défis à relever au niveau mondial pour parvenir au développement durable, il faudra continuer à plaider en faveur d’un certain nombre de questions, notamment en veillant à ce que le FdD4 reste axé sur la coopération internationale et qu’il ne soit pas accaparé uniquement par des discussions sur la mobilisation des ressources nationales. En ce qui concerne la dette, il est nécessaire d’œuvrer en faveur d’un FfD4 qui aboutisse à un véritable allègement de la dette, car les éléments du document ne proposent pas actuellement le changement institutionnel requis. En ce qui concerne l’égalité des genres, l’agenda du FfD4 doit s’attaquer aux inégalités et adopter un programme de financement transformateur en matière d’égalité. À cet égard, nous saluons l’intervention de l’ambassadeur Bob Rae, ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, qui a appelé à une meilleure intégration des questions de genre dans l’agenda du FdD4.  

Parallèlement, le Canada dirige actuellement le Conseil économique et social des Nations unies, ou ECOSOC, en plus de ses rôles de leader au sein du groupe des leaders des ODD et du comité préparatoire du FfD4. Avec le G7, ces rôles convergent et offrent au Canada d’excellentes occasions de s’affirmer en tant qu’acteur mondial pour une coopération internationale plus équilibrée. Alors que des feux brûlent dans toutes les régions du monde, le Canada doit jouer un rôle important en tant qu’organisateur et chef de file pour faire progresser la coopération. L’ambassadeur Rae, qui est le président de l’ECOSOC, est un diplomate et une personne politique expérimenté et respecté. Il a l’occasion unique de diriger avec ambition et une vision audacieuse, en s’affranchissant des dynamiques de la politique à court terme.  

Les priorités qu’il a fixées pour le leadership du Canada, notamment la crise des déplacements, l’IA et le financement du développement, sont en effet pertinentes et nécessitent une poursuite sans relâche d’une action et d’un leadership plus forts. Sur ce dernier point, les travaux de l’ECOSOC éclairent le FfD4 et, dans la perspective de cette conférence, tous les leviers d’influence doivent être actionnés pour mettre en place une véritable transformation qui répare des décennies, voire des siècles, d’injustice économique mondiale.  

Quels sont les leviers qui peuvent générer de l’espace fiscal ?  

Les solutions font l’objet de recherches approfondies et sont de plus en plus présentes dans la sémantique de la coopération internationale, y compris au sein du comité préparatoire du FfD4. C’est grâce à la coopération internationale et à un véritable leadership politique que des systèmes peuvent être mis en place pour s’attaquer à ces problèmes. 

  • Les nations criblées de dettes ne peuvent pas mener ou encore moins investir dans leur propre développement si la majeure partie de leurs revenus est consacrée au service de taux d’intérêt exorbitants.  
  • Le manque de coopération internationale en matière de fiscalité et de flux financiers illicites prive les pays à faible revenu (et d’autres) de milliards de recettes qui pourraient être utilisées pour renforcer les capacités et investir dans le développement durable.  
  • Les banques multilatérales de développement et les autres banques publiques doivent être réformées afin de créer un environnement dans lequel les pays à faible revenu peuvent facilement accéder au financement à des conditions raisonnables. La crise de la COVID a clairement montré comment les pays à revenu élevé pouvaient rapidement mettre en place des systèmes pour soutenir leurs citoyen-ne-s, alors que les pays à faible revenu luttaient pour accéder au financement afin de maintenir à flot leurs services sociaux les plus élémentaires. 
  • Les pratiques commerciales et internationales prédatrices renforcent encore le statu quo, en fournissant des systèmes intégrés qui fixent le commerce en faveur des pays à revenus élevés. Ces pays sont généralement soumis à des droits de douane beaucoup moins élevés lorsqu’ils exportent leurs produits, ce qui leur permet d’accéder plus facilement aux marchés, par rapport aux pays à faible revenu qui sont confrontés à des barrières commerciales beaucoup plus importantes.  

En d’autres termes, l’économie mondiale est truquée de manière à favoriser les pays à hauts revenus et ceux qui détiennent les leviers du pouvoir. 

Qu’en est-il de l’APD ? 

Pendant ce temps, ces mêmes grandes économies, comme le Canada, s’engagent à fournir une aide publique au développement (APD) aux pays à faible revenu. Parallèlement à d’autres flux financiers importants, y compris des flux plus vastes tels que les envois de fonds (remittances), l’APD reste un mécanisme essentiel de soutien aux pays à revenu faible et intermédiaire en matière de développement durable et d’action humanitaire.  

Mais EURODAD montre que « l’APD de plus de la moitié des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE a chuté en 2023, y compris certains des plus grand-e-s donateur-trice-s tel-le-s que l’Allemagne et la France ». De même, selon AidWatch Canada, le Canada a récemment diminué son APD après des augmentations constantes et significatives depuis 2015. L’enveloppe d’aide internationale budgétisée pour 2023/24 est inférieure de 15 % à celle de 2022/23, et il n’y a pas eu de projection pour 2024/25.  

Dans un monde où les conflits et les déplacements se multiplient et où les besoins humanitaires explosent, l’APD doit également augmenter, et ce de manière à transférer le pouvoir à celles et ceux qui sont en charge de leur pays et de leur communauté. Toutefois, à l’issue de la récente COP29, qui a porté un coup sévère au financement de la lutte contre les changements climatiques, et compte tenu des nouvelles réductions de l’APD opérées récemment par un certain nombre de pays, il est clair que l’appétit pour le financement sous forme de dons est limité. 

Quelle est la prochaine étape ? 

Un nouveau paradigme est nécessaire pour uniformiser les règles du jeu et permettre à tous les pays de conduire leur propre développement, en s’affranchissant des structures et pratiques économiques et financières déséquilibrées persistantes.  

Les réformes globales de la dette, du commerce, de la fiscalité et de l’accès au financement sont essentielles à la refonte du dialogue sur le développement international, qui ne consiste plus à combler les lacunes et à rechercher des subventions, mais à donner à tous les pays les moyens d’agir grâce à une architecture internationale équitable qui ne limite pas, mais libère la marge de manœuvre budgétaire.  

Le Canada est désormais sous les feux de la rampe internationale. Par le biais du G7, de l’ECOSOC, du SDG Leaders Stimulus Group et du FfD4, le moment est venu d’établir un programme audacieux. Cela signifie :  

  • Engager la société civile dans l’élaboration de solutions qui placent les personnes avant les profits, 
  • Agir sur les injustices qui continuent d’exacerber les inégalités, et  
  • Veiller à ce que l’IA et les nouvelles technologies ne servent pas à consolider davantage une économie truquée.  

Le Canada a une occasion unique de démontrer qu’il n’est pas un simple participant sur la scène mondiale, mais une force directrice pour le progrès, la justice et l’équité dans le monde.