Cette semaine, nous mettrons en lumière des histoires d’impact et de changement de la part de nos membres. Pour lancer la semaine du développement international, voici un blog de KAIROS sur «Des regroupements animés par l’espoir.» Restez à l’écoute pendant le reste de la semaine pour d’autres histoires de nos membres.
J’ai rarement vu quoi que ce soit d’aussi merveilleux que ce groupe de femmes et d’enfants venu accueillir la délégation de KAIROS à Thabra, en Cisjordanie. Le groupe qui a souhaité la bienvenue en Palestine et en Israël à notre délégation de dix personnes composée de dignitaires et de personnel d’église était incroyablement accueillant, souriant et désireux de nous serrer la main. Après notre arrivée, les femmes nous ont confié que les rares visiteurs de l’étranger ne se préoccupent pas d’entendre la voix des femmes vivant en territoire occupé.
Cette rencontre avec des groupes de femmes bénéficiant du soutien de KAIROS et d’Affaires mondiales Canada est la première d’une série de quatre. Lucy Talgieh, coordonnatrice de projets visant les femmes du centre palestinien Wi’am de transformation des conflits, en est la tête dirigeante. Les femmes tissent dans ces groupes des liens l’amitié, bénéficient d’un soutien social, sont informées des droits de la personne et deviennent aptes à assurer un leadership dans la consolidation de la paix. Le centre Wi’am est un élément vital de la société civile palestinienne. Il offre un espace où les communautés palestiniennes sont informées au sujet de la réconciliation, discutent de résolution des conflits et imaginent une existence sans occupation de territoire.
À Thabra, le groupe dispose de peu de choses. Des chaises sont un ajout récent offert par un membre du personnel qui les a payées de sa poche. Mais l’hospitalité est généreuse et les conversations animées et vigoureuses. Et tout le monde tombe sous le charme des enfants présents.
Les femmes sont impatientes de parler. Elles racontent comment elles ont réglé un problème local de collecte des ordures et élaboré des stratégies pour faciliter l’accès aux services de santé. Il faut marcher longtemps pour atteindre la clinique la plus proche et celle-ci n’est pas toujours ouverte. Elles parlent avec fierté de ce qu’elles ont appris au sujet des droits ainsi que sur la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elles sont fières aussi de dire que cela a modifié leur capacité de se protéger de la violence et qu’elles entrevoient maintenant la possibilité d’assurer un plus grand leadership dans leur communauté.
En Cisjordanie, l’occupation est synonyme de misère et de terreur. Le jour de notre visite, nous nous sommes aussi rendus à Beit Ummar pour y rencontrer la mère de cinq garçons incarcérés. La plupart des femmes du groupe local ont au moins un parent en prison. La présence continuelle de soldats israéliens lourdement armés leur fait craindre pour leurs enfants car tout geste jugé provocateur peut immédiatement mener à une détention ou engendrer une réaction meurtrière.
Plusieurs femmes ont aussi évoqué la présence de restrictions d’accès plus serrées aux terres et aux zones agricoles. Toutes sont victimes d’humiliations constantes et trouvent difficile de se déplacer aux alentours. L’accès constant à un emploi, voire à des denrées de base comme l’eau potable, constituent une épreuve quotidienne. Notre délégation, bien qu’elle n’ait été que de passage, a failli sombrer dans le désespoir en écoutant ces récits.
Pour notre délégation composée d’Autochtones, de descendants de colons et de nouveaux arrivants, les points de convergence entre la lutte menée dans ces territoires contestés et celle engagée au Canada ou ailleurs ne nous ont pas échappé. La dépossession, l’impossibilité d’accéder aux services de base, l’imposition de restrictions sur les déplacements, la perte de contrôle sur les ressources et la violence, surtout envers les femmes, caractérisent les communautés autochtones à travers le monde et ce constat est troublant depuis toujours.
Malgré tout, un espoir véritable se dégage de nos rencontres avec ces femmes de Thabra, Beit Ummar et, aussi, de Jéricho et Bethléem. Ce sont elles qui l’affirment. À Beit Ummar, un des membres de notre délégation a demandé comment elles s’y prenaient pour ne pas perdre espoir face aux injustices répétées de l’occupation. Les femmes, de confession musulmane pour la plupart, ont répondu : « Nous croyons en Dieu, bien sûr ». Puis, Mariam a ajouté : « Cet endroit alimente aussi l’espoir chez moi. On s’y rassemble pour panser nos plaies, apprendre, se former, avoir du plaisir et se donner le pouvoir d’agir. »
Qu’est-ce que l’espoir s’il n’est pas partagé? Se rassembler nous conforte face au deuil, à la perte ou à la détresse. L’énergie, l’optimisme et les possibilités se multiplient quand on est plusieurs. La force du groupe se décuple, parfois plus que la somme de ses parties. L’espoir est né de notre rassemblement en une délégation de membres divers. Se retrouver ensemble, avec nos hôtes, dans ces lieux magnifiques mais meurtris a confirmé cet espoir.
Peut-être est-ce un hasard mais nous étions en Cisjordanie ce jour-là et nous avons vu, entendu et même goûté l’espoir dans le café arabe, les olives, le pain chaud et le zaatar qui nous ont été servis. Nous avons imaginé des moyens pour que ces femmes qui se réunissent en Cisjordanie pour faire naître l’espoir et élaborer des solutions puissent rencontrer des groupes de femmes au Canada et dans les communautés autochtones ou de migrants. Nous savons qu’elles se reconnaîtraient dans le courage et la résilience qu’elles manifestent et que l’espoir se propagerait.
Jennifer Henry est directrice générale des Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice KAIROS depuis 2012. Elle s’investit dans la justice sociale œcuménique depuis plus de 26 ans.