En juin 2025, Coopération Canada a rejoint des acteur-trice-s de la société civile et des représentant-e-s gouvernementaux-ales à Paris pour les Journées de la société civile du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE. En tant qu’organe principal par lequel les pays donateurs coordonnent les politiques d’aide au développement, le CAD joue un rôle déterminant dans la manière dont la coopération internationale soutient la démocratie, les droits humains et la participation citoyenne à l’échelle mondiale.
Le contexte n’a jamais été aussi critique. À travers le monde, les organisations de la société civile évoluent dans des environnements de plus en plus hostiles. La criminalisation du plaidoyer, la répression numérique via des lois sur la cybercriminalité, les coupures d’internet et la sécurisation des manifestations ne sont plus des phénomènes isolés. Ils deviennent des caractéristiques systémiques de gouvernance dans de nombreux pays.
Il est toutefois essentiel de reconnaître un point soulevé à plusieurs reprises au cours des discussions : pour de nombreuses communautés, l’espace civique n’a jamais réellement été ouvert. Si l’on parle souvent de « rétrécissement de l’espace », certains acteur-trice-s de la société civile, notamment celles et ceux représentant des groupes historiquement marginalisés, ont toujours œuvré à la marge de la visibilité, de la légitimité et de la sécurité. Cette réalité doit orienter la conception et la mise en œuvre de la coopération au développement.
Dans les contextes politiquement contraints, l’engagement des donateur-trice-s reste complexe. Les intervenant-e-s ont souligné l’importance de maintenir une présence, et non de se retirer, tout en adoptant des approches flexibles et adaptées au contexte. Le prochain guide pratique de l’OCDE pour une action coordonnée en faveur de l’espace civique a été salué comme une avancée concrète dans cette direction.
Un changement majeur de paradigme est également apparu autour du développement dirigé localement (Locally Led Development – LLD). Il a été clairement demandé de dépasser la notion de « renforcement des capacités », qui suppose trop souvent un déficit du côté des acteur-trice-s locaux-ales, au profit du partage des capacités, qui reconnaît leur expertise et leur leadership. Ce cadre remet en question les hiérarchies établies dans le développement et appelle à des partenariats plus équitables.
Ce changement de perspective est étroitement lié à notre conception du risque. Les acteur-trice-s du développement doivent repenser le risque non seulement en termes de contrôle fiduciaire ou de réputation institutionnelle, mais comme une réalité déjà bien présente dans le travail quotidien de la société civile, en particulier dans les contextes répressifs. Une solidarité réelle exige que les donateur-trice-s assument une part de ce risque, au lieu de l’externaliser par des mécanismes de redevabilité excessivement rigides.
La session sur la gouvernance climatique a illustré ces enjeux. Malgré l’augmentation significative des financements pour l’adaptation depuis l’Accord de Paris, les résultats restent largement technocratiques et peu inclusifs pour les communautés les plus vulnérables. Sans un engagement significatif de la société civile et une confiance du public, les efforts d’adaptation risquent de manquer leur cible.
Enfin, alors que le CAD s’apprête à publier son rapport quinquennal sur la mise en œuvre de la Recommandation de 2021 sur le renforcement de la société civile, les participants ont réaffirmé la nécessité de traduire les engagements des donateur-trice-s en un soutien cohérent et durable. Cela implique des financements flexibles et de long terme, des mécanismes de redevabilité participatifs, et des politiques qui protègent, et non simplement tolèrent, les acteur-trice-s civiques indépendant-e-s.
À Coopération Canada, ces principes restent au cœur de notre engagement. L’espace civique n’est pas un supplément au développement : il en est le socle. Un développement démocratique, inclusif et responsable ne peut exister sans lui.