Le 4 avril 2023, Coopération Canada a organisé une table ronde pour examiner les tendances de l’aide canadienne, réfléchir au budget fédéral 2023, qui a été déposé le 28 mars 2023, et discuter de ses liens avec l’architecture de la coopération mondiale. Le panel, animé par Kate Higgins, directrice générale de Coopération Canada, était composé d’Aldo Caliari (Jubilee USA), Nilima Gulrajani (ODI), Idee Inyangudor (Wellington Advocacy), Elise Legault (ONE Campaign), et Brian Tomlinson (AidWatch Canada).

Télécharger le PDF

Dans la première partie de l’événement, Brian Tomlinson a présenté une vue d’ensemble des tendances de l’aide internationale du Canada, décrivant les différents flux de financement, les agences gouvernementales qui fournissent l’aide internationale, les agences de mise en œuvre et la répartition de l’Aide publique au développement (APD) par composantes, y compris le développement, l’aide humanitaire, le financement du climat et les coûts des réfugiés et des étudiants dans les pays donateurs. La présentation a mis en évidence que l’ajout des dépenses liées à la COVID-19 et des coûts des réfugiés dans les pays a augmenté l’APD du Canada, mais que lorsque ces composantes ont été retirées, le financement du développement a diminué entre 2019 et 2021. Cette tendance à la baisse a été confirmée par le budget 2023, qui prévoit une enveloppe d’aide internationale de 6,8 milliards de dollars, soit une réduction de 15 % par rapport au budget d’aide internationale engagé dans le budget 2022, une décision fortement critiquée par les organisations de la société civile (OSC) canadienne travaillant dans la coopération internationale et l’aide humanitaire.

À l’issue de la présentation, le panel a reconnu que le budget fédéral 2023, bien que prévu pour être prudent sur le plan fiscal, était une occasion manquée pour le Canada de faire preuve de leadership au niveau mondial. La possibilité d’annonces de financement hors cycle dans les mois à venir n’atténue pas la déception du secteur, ni ne constitue une politique publique saine, à moins que le Canada ne décide de présenter de manière transparente le budget fédéral comme un plancher plutôt que comme un plafond. Le budget de la défense étant en augmentation, il a été proposé que la vision féministe du Canada puisse être mieux démontrée en adoptant une approche progressive, alignant les dépenses de défense et de développement.

Plaçant le budget 2023 dans un contexte mondial, les membres du panel ont noté qu’il était impératif de regagner le terrain perdu lors de la pandémie de COVID-19 et de progresser plus rapidement vers les Objectifs de développement durable (ODD). Le système financier mondial actuel n’est manifestement pas adapté à la multiplicité des chocs auxquels la planète est confrontée. D’une part, les pays de l’OCDE sont contraints de lutter contre l’inflation et de se concentrer sur les besoins intérieurs. D’autre part, les pays en développement sont aux prises avec un fardeau de la dette qui ne cesse de s’alourdir en raison de l’insuffisance des financements concessionnels, de la dépendance forcée à l’égard de prêts privés coûteux pour répondre à leurs besoins fondamentaux, de la lenteur du déploiement des financements promis pour lutter contre le changement climatique et de l’accès limité aux Droits de tirage spéciaux, instrument monétaire international créé par le Fonds monétaire international (FMI).

 

Reacting-to-the-2023-Federal-Budget-3

 

Dans ce contexte peu réjouissant, le groupe a convenu qu’il était urgent d’élaborer de nouveaux modèles de mobilisation des ressources. Pour cela, il faut aller au-delà des discours prônant l’augmentation de l’aide et explorer les moyens d’en faire plus avec les ressources disponibles, y compris les capitaux privés dormants. En ce qui concerne la combinaison des ressources publiques et privées pour le développement, le Canada s’est trop longtemps contenté de rattraper son retard, FinDev n’ayant pas donné les résultats escomptés. Le Canada devrait devenir plus stratégique dans l’exploitation des instruments du secteur privé en tant qu’atouts du soft power.

Le panel s’est terminé par des remarques sur ce qui attend les acteur-trice-s de la coopération internationale au niveau mondial et au Canada. L’inadéquation de l’architecture de l’aide internationale est reconnue par beaucoup, y compris par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, dans son rapport le plus récent, Quel système d’aide pour demain ?. De nouvelles perspectives émergent et s’écartent de la dichotomie classique Nord-Sud en matière de développement et adoptent une vision du développement comme une réalité mondiale partagée par tous les pays. L’une de ces perspectives propose de recadrer l’APD comme un investissement distribué dans les biens publics mondiaux. Compte tenu de cette perspective et d’autres perspectives émergentes remettant en question l’approche paternaliste de l’aide, les acteurs de la coopération internationale au Canada, en particulier les OSC, devraient saisir l’occasion de s’engager dans des conversations plus larges sur le développement concernant la quantité et la qualité de l’aide, en recentrant leur attention sur les résultats en matière de développement.

Coopération Canada se réjouit de continuer à accueillir des conversations sur ces questions cruciales, car nous nous efforçons de nous positionner, ainsi que d’autres, comme des partenaires pertinent-e-s et efficaces pour contribuer à un monde plus juste, plus sûr et plus durable.

 

 

Carelle Mang-Benza

Carelle Mang-Benza

Responsable des politiques